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encore de ce qui manque à nos désirs que de ce qui manque à nos besoins.

Le service leur fut rendu de montrer leur condition pire qu’ils ne la voyaient, et la paternité criminelle envers eux-mêmes et envers leurs enfans. De pareilles doctrines tombèrent comme une semence dans les âmes labourées profondément par les épreuves et soulevées par la rancune. Cet avertissement de ne pas collaborer à l’œuvre cruelle, ce mot d’ordre : « Devenez stériles, » furent recueillis comme un présent du désespoir. C’était pour ces sacrifiés une piété envers l’avenir, de mettre fin à une duperie atroce, c’était la véritable marque d’amour envers les enfans qu’ils auraient eus de ne pas ouvrir aux plus chers des êtres la demeure des larmes. Sous le couvert de ce mysticisme s’organisa la plus brutale propagande au service, des plus pratiques réalités. Le savoir en était ancien déjà, mais secret encore. Cette connaissance publique, générale, familière à tous fut le don du XXe siècle à la famille française. Un plan concerté, une surabondance continue de brochures, annonces, discours, conférences, portèrent le funeste enseignement jusqu’au fond des campagnes. Il prémunit les époux contre toutes les faiblesses de volonté et les inexpériences d’habitude qui les exposaient à accroître la multitude déjà excessive des vivans. C’était la femme surtout dont il fallait vaincre le cœur naturellement maternel. On la révolta contre les épreuves de la grossesse et les douleurs de l’enfantement. On l’humilia par le mépris sur la maladresse des maternités. On lui enseigna qu’elle est la maîtresse de son corps, on lui apprit à n’être ni chaste ni féconde. Jamais un plus ignominieux effort ne s’accomplit avec plus d’impudeur et plus d’impunité. Il n’émut ni la magistrature, ni l’Etat qu’absorbait alors la tache de défendre l’école contre les contagions des croyances religieuses. Ce n’était pas assez que la femme devint experte à n’être plus mère. On lui persuada que, si par malheur elle avait conçu, l’être indésiré appartenait à elle seule pour disposer de lui comme elle voulait, et qu’elle pouvait s’en débarrasser. Des sages-femmes et des médecins facilitèrent cette besogne, à laquelle l’opinion montrait une indulgence croissante ; car, même au cas de scandales publics, les poursuites étaient rares et les acquittemens habituels. Cette complicité générale favorisa les mœurs