Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le catholicisme n’avait jamais transigé sur le caractère perpétuel de l’union conjugale. A sa rigueur, on oppose la tolérance professée par tous les autres cultes, et surtout on substitue au concept d’une institution sociale établie pour la perpétuité de la race le concept d’une société particulière conclue pour la convenance des contractans. Le mariage a pour but le bonheur des époux : leur bonheur commence quand ils se sentent attirés l’un vers l’autre, continue tant qu’ils vivent l’un pour l’autre, cesse dès qu’ils ont assez l’un de l’autre. Leur amour peut durer autant qu’eux, mais leur audace serait trop présomptueuse de se promettre à l’avance une union perpétuelle. Si l’homme et la femme après l’avoir commencée ne la renouvellent pas chaque jour par un acte volontaire et fervent, elle devient la plus lourde des servitudes. On sait les inconstances du cœur : comment engager à vie l’amour que nulle volonté ne saurait maintenir par-delà la seconde où il s’est éteint, ni éteindre s’il s’allume ailleurs ? Dès que le mariage pèse, s’en décharger devient le droit. Logique tentatrice, et pas seulement pour ceux auxquels le mariage semble assez long, s’il a la durée de leurs fantaisies. Elle devait troubler ces hommes et ces femmes naturellement honnêtes, capables de constance, mais atteints dans leur vie conjugale par des griefs, des mépris, des hontes inguérissables et renouvelés chaque jour. Ces malheureux à perpétuité recevaient de la loi la petite clef, la commode clef, qu’il leur suffisait de tourner pour être hors de la géhenne et libres de refaire aussitôt leur vie. Le nombre des divorces augmente chaque année[1].

Or, ce fait en entraîne un autre, dont les réformateurs ne s’étaient pas avisés. Leur logique eût volontiers prévu que le divorce, rompant des unions odieuses, donc infécondes, et leur substituant des unions mieux assorties, donc moins stériles, multiplierait les naissances. La vérité est, au contraire, qu’admettre la dissolution du mariage est encourager la stérilité. Dans les mariages indissolubles, les enfans deviennent la meilleure consolation des mécomptes qui attristent la vie conjugale : par eux, la prison dont on ne peut sortir a ses fleurs, en eux s’aiment encore le père et la mère qui ont cessé de s’aimer. Mais dès que les époux, ne désirassent-ils pas dissoudre leur société, la savent

  1. Le nombre des divorces a passé de 1 100 à 12 000 par an.