Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

magnifique, à preuve qu’à défaut de présens du Gouvernement, il donnait ce qu’il avait de plus beau dans son bagage, les pistolets de Versailles qu’il tenait du Directoire et qu’il offrit au pacha de Bosnie.

Ce fut seulement en messidor an VI (28 juin 1T98) que Mme Dubayet et Constance, accompagnées de Saint-Cyr et de quelques Européens qui profitaient des escortes, quittèrent Constantinople. On voyagea à petites journées, si bien qu’on mit plus d’un grand mois pour gagner Vienne, un autre pour rentrer à Paris. Après un tel voyage fait en compagnie, on est brouillé à mort ou accommodé pour la vie. Ce fut le dernier parti qu’adopta Mme Dubayet ; mais d’abord qu’elle fut rentrée à Paris, elle exécuta les ordres du Mississipien en plaçant Constance chez la citoyenne Campan, à l’Institut de Saint-Germain. Là, cette jeune personne de douze ans allait perdre sans doute ses façons garçonnières. « Elève Constance en bonne républicaine, avait écrit Dubayet dans une lettre qui peut passer pour un testament. Exige avec fermeté qu’elle fasse bien ses études. Voilà le moment, ma bonne amie, où tu peux faire aller de front les maîtres à danser, de forte et d’écriture. Bientôt tu lui donneras un maître de dessin et, avec tous ces moyens de rendre aimable ta fille, je désire que tu soignes le travail de l’aiguille qui la préparera à être une femme républicaine. » Tout cela, — sauf peut-être le travail de l’aiguille, — se trouvait réuni à Saint-Germain. Il fallait se presser si l’on voulait exécuter, en ce qui concernait Constance, les volontés de son père. N’avait-il pas écrit : « Tu sauras que je songe à la marier à quinze ans ; déjà j’ai trouvé son mari… » Au fait, n’était-ce pas l’âge où Mme Dubayet s’était mariée et pouvait-elle dire à son mari qu’elle s’en fût mal trouvée ?


On ne saurait nier que, sur les destinées de Constance et même sur celles de sa mère, cette entrée en pension influa considérablement. L’Institut de Saint-Germain a joué pour la restauration d’une société un rôle d’autant plus important qu’il a unifié, par l’éducation, des élémens fort différens et qui ne se fussent sans doute pas rencontrés autrement. Il a été l’école préparatoire du monde nouveau. Il y avait à Saint-Germain des filles de noblesse, des filles de finance, des filles de bourgeoisie ;