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diplomatique ; et puis, soudain, le château de cartes s’est écroulé, on a démenti.

L’Alsace-Lorraine a pris, dans la machination renversée, la place de la Belgique. L’Allemagne s’est mise en tête d’insinuer à l’Angleterre et, par-delà l’Océan, aux États-Unis qu’ils se battaient uniquement pour la querelle française qui se réduisait toute à la revendication de l’Alsace-Lorraine, tandis que la presse allemande se remplissait de projets, de discussions, de dissertations, cette fois sur le sort de la « terre d’Empire. » Des conciliabules avaient bleu à Berlin entre confédérés. La Bavière voulait qu’on la coupât en deux, que la Prusse prît la Lorraine, et qu’à elle-même on donnât l’Alsace. D’autres voulaient qu’on en fît un seul État, un royaume à qui, chez des princes aussi prolifiques, il serait facile de trouver un roi. A nous, cependant, de loin, avec des détours, on versait dans l’oreille que, s’il nous plaisait de « causer de la paix, » on consentirait sans doute à « causer » aussi de l’Alsace-Lorraine. Indirectement, très indirectement, par toute espèce d’intermédiaires, de pays amis, en pays neutre, l’avertissement gracieux se multipliait. La docile Autriche, comme toujours, doublait le rôle, faisait l’écho.

M. Ribot l’a révélé publiquement, à la Chambre, dans sa réponse à l’interpellation de M. Georges Leygues sur « le personnel et l’action diplomatiques. » « Hier, a dit M. Ribot, c’était l’Autriche qui se déclarait disposée à faire la paix et à satisfaire nos désirs, mais qui laissait volontairement de côté l’Italie, sachant que si nous écoutions ses paroles fallacieuses, l’Italie, demain, reprenait sa liberté et devenait l’adversaire de la France qui l’aurait oubliée et trahie... Hier encore, c’était l’Allemagne qui faisait murmurer que, si le gouvernement français voulait engager une conversation directe ou indirecte, nous pourrions espérer qu’on nous restituerait l’Alsace-Lorraine. Le piège était trop grossier pour qu’on s’y laissât prendre. L’Allemagne, restée seule, a alors jeté le masque et fait cette déclaration retentissante de M. de Kühlmann : Des concessions sur l’Alsace-Lorraine ? Jamais ! » A ce passage : « Si le gouvernement français voulait engager une négociation, nous pourrions espérer qu’on nous restituerait l’Alsace-Lorraine, » le Journal officiel note : (exclamations). La Chambre des députés s’est récriée de stupéfaction. L’intrigue n’est pourtant pas nouvelle ; depuis que cette trame s’étire, elle devrait être usée jusqu’à la corde. En février 1915, avant que l’Italie fût entrée en guerre, et tandis qu’il lui promettait, aux dépens de l’Autriche, un parecchio de l’odeur duquel il se piquait de l’amener à se satisfaire, le prince de