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subsistait plus rien de la terre. » Saint François mena la jeune fille à l’autel. Et elle était parée de ses plus riches atours : saint François l’avait ordonné ainsi. Et elle était extrêmement belle. Or, sans doute, la beauté n’est rien ; la beauté est, parmi les faux biens de ce monde, le plus tôt périssable. Et cependant, Thomas de Celano n’omet pas de dire que Claire était ravissante ; il le dit plusieurs fois. Il y a, dans l’église inférieure d’Assise, une fresque de Simone Martini, où l’on suppose qu’est le portrait de sainte Claire, où l’on n’est pas sûr qu’elle y soit ressemblante. Un long visage, et d’un charme étrange. Des yeux longs et minces ; une bouche petite et qui ne sourit pas ; un air de souveraineté nonchalante ; une beauté qui n’est pas attentive à elle-même et, séduisante, se dédaigne. Thomas de Celano veut qu’on sache que sainte Claire était jolie ; et saint François voulut qu’elle vînt renoncer au monde parée de ses plus riches atours. Ce n’est pas qu’à leur gré le sacrifice consenti à Dieu soit ainsi beaucoup plus considérable et digne de la récompense éternelle : entre les vanités de ce monde, ils ne font pas de telles différences ; et pourtant nulle austérité ne les convainc de ne compter pour rien du tout, absolument pour rien, la beauté d’un visage et même d’une robe. Cette condescendance à nos vanités est charitable et courtoise. Claire Scifi, amenée à l’autel, « se dépouilla de ses parures ; » et elle « rejeta les ornemens du monde. » Elle reçut l’habit religieux « et, autant dire, les insignes de la pénitence. » Elle quittait « l’obscurité de Babylone, pour entrer dans la sainte cité de Jérusalem. » Et elle avait une physionomie « joyeuse et angélique. » Saint François coupa les lourdes tresses de ses cheveux ; il la ceignit d’une grosse corde ; et il lui posa sur la tête un voile blanc, puis un voile noir : et il reçut ses vœux d’obéissance, de pauvreté, de chasteté, de perpétuelle clôture ; et il lui dit : « Si tu observes ces engagemens, je te promets Jésus-Christ pour époux et la gloire dans la vie éternelle. » Madame Claire fut conduite au monastère des religieuses noires de Saint-Benoît. Bientôt, en l’église Sainte-Marie-des-Anges de la Portiuncule, où avait commencé l’ordre des Frères Mineurs, elle fonda l’ordre des Pauvres dames.

Les deux ordres, celui de saint François et celui de sainte Claire, sont liés étroitement. La même pensée les anime tous deux : la pensée de saint François ; comme aussi la pensée de saint François anime sainte Claire, qui est un peu l’âme féminine de saint François. Sainte Claire, toute sa vie, a senti sa vie très simple par la seule pratique d’une vertu qu’elle appelait « l’imitation de notre père saint François. » Elle le consultait, aux jours de quelque difficulté. Mais lui aussi la