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fallait encore, à quelques jours de là, qu’il ne trouvât la mort à son arrivée au front. Chargé d’une reconnaissance de nuit, et parti seul avec son ordonnance, il tombait dans une embuscade. Heureusement, il s’en tirait avec un coup de baïonnette dans la manche de sa tunique, et l’ordonnance en était quitte pour un coup de crosse à la tête. Plus tard, il était de la grande attaque de septembre, et réchappait encore, comme miraculeusement, à l’explosion d’une marmite. Puis, il passait en Haute-Alsace, dans les parages fameux de l’Hartmansweillerkopf, et là, aussitôt rendu dans ces terribles et célèbres défilés, il était nommé sous-lieutenant.

Avec sa nature toute en élans, il avait très vite conquis l’affection et l’admiration de ses chefs comme de ses soldats, et l’un de ses camarades, le lieutenant de Tauriac, avec qui il s’était lié d’une de ces héroïques et tendres amitiés de guerre comme il s’en noue entre frères d’armes dans l’habitude de la vaillance et du dévouement en commun, devait un jour dire de lui, dans une lettre toute pleine elle-même de noble générosité : « Quand je suis arrivé au groupe léger, j’ai tout de suite, été frappé par ce visage sympathique, ce cœur d’enfant vaillant et généreux qui se donnait tout entier dans une poignée de main. » Tout de suite, et tout entier, c’était bien ainsi en effet que se donnait Georges Condom, non seulement à l’amitié, mais au devoir, et il allait bientôt encore le faire une fois de plus. Il venait d’être détaché aux chasseurs à cheval, pour y former un autre groupe léger, sur le modèle de celui des dragons, quand, aux premiers jours de mars 1916, son capitaine recevait l’ordre d’enlever un ouvrage allemand. Comme l’affaire devait être particulièrement difficile, le capitaine redemandait son sous-lieutenant aux chasseurs, et Condom répondait à l’appel avec d’autant plus d’enthousiasme qu’il s’agissait d’un coup plus hardi et plus périlleux. Il allait falloir attaquer, se battre, exposer sa vie, enlever une position, et il accourait avec joie, mais songeait aussi à ses vieux parens, à son frère le « grand savant, » à sa sœur, sa « petite Alice, » à tous les siens, et leur écrivait alors, avant la bataille :

« Mes très chers parens, vous m’excuserez d’être pour vous la cause d’un gros chagrin, car si vous recevez jamais cette lettre, c’est que j’aurai eu la gloire de mourir au champ d’honneur.

« A l’heure où j’écris cette lettre, nous sommes tout près de