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personne ne savait aussi comme elle mettre les malades sur la route du rétablissement par sa manière à la fois rassurante et plaisante de les remonter. De taille et de corpulence moyennes, avec une expression d’indulgence et de franchise au fond de ses yeux bleus légèrement bridés et comme un peu narquois, dans une figure qui aurait été moqueuse si le sourire n’en avait pas été aussi bon, elle tenait d’habitude, en vous parlant, ses deux mains tranquillement posées l’une sur l’autre entre sa ceinture et sa poitrine, et les remuait seulement d’un petit geste optimiste qui semblait aussi vouloir arranger les choses.

— Allons, disait-elle au patient, ça va mieux, ça va s’arranger… La figure est bonne, c’est bon signe… Le bon Dieu va vous tirer de la !…

Il y avait déjà vingt ans qu’elle était rue Bizet, lorsque le couvent se trouva transformé en ambulance au moment de la mobilisation. Elle y restait alors encore une année, pendant laquelle, après avoir été la Providence des malades, elle devenait celle des blessés, et rien ne donnera mieux l’idée de l’action et du charme de sa charité que le témoignage même de l’un d’eux, et de l’un des plus terriblement éprouvés en même temps que du plus illustre. A la veille de quitter l’établissement où il avait recouvré la vie, et qu’elle venait de quitter pour une ambulance du front, le général Gouraud lui exprimait sa reconnaissance dans une lettre où la gratitude se cachait sous la plaisanterie, comme si le bien, avec Sœur Ignace, devait toujours s’accompagner d’enjouement, et lui parlait, notamment, d’un certain « général Gustavin » sous la croix duquel on reconnaît sans peine une bonne Sœur Gustavine, aimablement secourable, elle aussi, aux douleurs des mutilés.


« Chère Sœur Ignace,

« Je m’empresse de vous remercier de votre bonne lettre du 4 septembre.

« Je suis désolé que ce petit bombardement ait obligé à l’évacuation de l’hôpital de Moosch, où vos Sœurs et vous soignez si bien nos chers soldats. J’espère que nos succès sur les crêtes vous permettront bientôt de recouvrer votre hôpital.

« Le fromage sera-t-il arrivé à temps pour que vous ayez pu le distribuer à vos blessés ?

« J’ai à vous donner les meilleures nouvelles de votre ami