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alliance anglo-française : Londres ne pouvait rien offrir à l’Empereur pour payer son aide contre la Prusse, sinon la rive gauche que Napoléon III serait obligé de conquérir par une guerre coûteuse : « Celui qui peut donner les provinces rhénanes à la France, c’est celui qui les possède. Et le jour où il faudrait courir l’aventure, c’est nous qui pourrions mieux que tout autre marcher avec la France en commençant non pas par lui promettre, mais par lui donner un gage pour son concours. »

Au moment où les premières difficultés s’élèvent entre l’Autriche et la Prusse, Bismarck éprouve notre ambassadeur à Berlin, mais sans rien préciser, car la situation n’est pas encore critique : il sait, dit-il, quelle compensation nous réclamerions de lui[1]. En octobre 1865, il part pour Biarritz, où il a une entrevue avec l’Empereur. Il a entamé des négociations avec l’Italie en vue d’une alliance, dans l’espoir peut-être de paralyser ainsi la France, ou tout au moins de l’incliner vers la Prusse. Il signe avec elle la convention militaire du 8 avril 1866, et alors, comme les agens italiens sont restés à Berlin, des conversations s’engagent qui sont du plus haut intérêt. Il est prêt à céder, s’il le faut, toute la rive gauche, et il le laisse entendre à Barral, ministre de Victor-Emmanuel auprès de Guillaume Ier. « On est excessivement préoccupé, écrit Barral, des négociations très actives qui se poursuivent entre la France et l’Autriche pour désintéresser l’Italie, et qui seraient allées jusqu’à l’offre de la ligne du Rhin à la France. A l’observation que je lui ai faite sur le danger d’une pareille offre par une puissance allemande, Bismarck m’a répondu par un mouvement d’épaules, indiquant très clairement que, le cas échéant, il ne reculerait pas devant ce moyen d’agrandissement. » Cette dépêche est du 6 mai 1866, et elle est confirmée par un mémoire du général Govone en date du 7.

Pourtant, poussé dans ses retranchemens, le futur chancelier, par un véritable marchandage, cherche à conserver la plus grande partie du territoire rhénan. Le 22 mai, Govone résume un nouvel entretien. Il a pressé Bismarck de s’entendre avec Napoléon III, dont les désirs sont connus de toute l’Europe. Son interlocuteur alors a invoqué les répugnances de son roi,

  1. Sur les idées de Bismarck relativement à la rive gauche du Rhin, cf. les Origines diplomatiques de la guerre de 1870-1871, et La Marmora : Un po’più di luce sugli eventi politici e militari dell’ anno 1866.