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justement ce programme est en contradiction avec les principes les plus chers au gouvernement prussien. Le 12 avril 1848, à la réunion de Wörrstadt, qui prépare les élections au Parlement germanique, les Rhénans demandent la réduction des armées permanentes, la diminution du nombre des fonctionnaires, la suppression des privilèges de la noblesse, la séparation des Églises et de l’État, l’indépendance mutuelle de l’école et de la religion, l’abolition de la censure, la liberté individuelle garantie, le droit de réunion et d’association. Toutes ces revendications sont dictées par le souvenir cuisant des maux soufferts depuis 1815 ; elles sont autant de coups droits portés à une monarchie où la noblesse, les fonctionnaires et l’armée sont les agens de la plus dure tyrannie, où l’État confond ses intérêts avec ceux d’une certaine confession, où les franchises civiques sont systématiquement refusées par une administration autoritaire et brutale.

Les catholiques ne dissimulent pas leur alliance avec les démocrates. Ils l’avouent même hautement au Congrès de Mayence, en octobre 1848, et ils en donnent comme raison qu’ils ne devaient pas repousser les armes nécessaires à leur défense. Le peintre Lasinsky, dans le discours qu’il prononce, expose pourquoi son parti a embrassé la cause de l’unité allemande et soutenu la politique de Francfort. « Quelques jeunes gens qui possèdent la confiance du peuple, dit-il, se mirent en devoir de tracer un programme : parmi eux il y avait quelques ennemis de l’Église, mais nous n’avions pas à choisir. Au moment du naufrage, tout le monde, amis et ennemis, se cramponne à la planche de salut. » Rhénan lui-même, il laisse parfaitement entendre que son catholicisme est surtout fait d’opposition à la Prusse, et il énumère les outrages subis pendant de longues années de servitude : « Aucun pays n’a plus souffert de la domination du fonctionnarisme prussien que la vallée de la Moselle. C’est grâce à cette oppression que cette riche contrée se trouve presque dans la misère… Rien d’étonnant dans la virulence de mon langage. Nous autres Trévirois, nous fûmes pendant des années honnis comme des vagabonds, des pèlerins paresseux. Pour nous défendre, nous sollicitâmes du gouvernement de fonder un organe. On nous répondit injurieusement que le besoin ne s’en faisait nullement sentir. Jusqu’à cette heure nous n’avons rien obtenu. C’est pourquoi nous avons perdu toute confiance dans les pouvoirs séculiers. » Les autres