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religieuses ; ce fut ensuite tout ce qui prépara, accompagna et suivit la loi de séparation, douloureux épisodes d’une histoire qui ne nous est que trop présente, et dont je ne voudrais pas remuer ici les cendres mal éteintes. Puisse l’histoire de demain réparer une partie des ruines que nous avons imprudemment, de nos propres mains, accumulées sur notre sol ! Albert de Mun ne verra pas ces réparations nécessaires : il les aura du moins préparées par l’excellence des conseils et des avertissemens qu’il nous aura prodigués ; surtout, il aura tout fait pour nous épargner l’amertume des déboires dont il prévoyait la longue succession.

Quand on vient de lire la suite des quelques rares discours ou allocutions, et surtout des innombrables articles qu’il a intitulés Combats d’hier et d’aujourd’hui, on reste émerveillé de tout ce qu’il a dépensé là, d’éloquence, de verve, d’habileté dialectique, de ferme bon sens, de justes pressentimens, d’ironie vengeresse. Ses adversaires ont la force pour eux ; mais lui, il a la raison, l’équité, une partie croissante de l’opinion, et l’avenir. Il sait bien qu’il sera, — provisoirement, — vaincu ; mais il se bat pour l’honneur, pour libérer son âme et toutes celles qui vibrent à l’unisson de la sienne, pour agir sur certains esprits non prévenus et sur certaines consciences ; il se bat enfin « pour Dieu » et « pour la France ; » et les coups qu’il porte, si quelques-uns s’égarent parfois dans le vide, font souvent de rudes blessures. Blessures tout idéales, dira-t-on : oui, peut-être, à en juger par l’effet immédiat ; mais sait-on jamais l’influence exacte qu’exerce toute parole sincère, même sur ceux qui l’ont tout d’abord repoussée ? En tout cas, à le voir défendre pied à pied, la plume à la main, ses positions avec une vigueur, un sang-froid, une maîtrise qu’ils pouvaient lui envier, les contradicteurs d’Albert de Mun ont dû plus d’une fois se féliciter que la tribune lui fût interdite : ils auraient sans doute triomphé quand même, mais peut-être moins aisément, et tel de leurs triomphes aurait fort bien pu paraître, aux yeux mêmes de leurs amis, assez peu glorieux.

Ce vaillant lutteur n’a jamais connu le découragement, mais il a plus d’une fois connu l’amertume. Si bien trempé que l’on soit, on se lasse de toujours combattre, et d’échouer toujours, ou tout au moins de ne jamais toucher du doigt les résultats de son effort. Un jour, — c’était le 1er janvier 1908, —