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sauver la vie d’un de vos jeunes soldats. La France a besoin de sa jeunesse. Je serais très heureux de faire.la guerre contre les barbares, et « pour mettre un peu plus de gentillesse dans le « monde. » Dites-moi alors s’il y a des difficultés pour obtenir le bonheur d’être engagé comme simple soldat. »

L’auteur de cette lettre, en s’excusant de ne pas assister à ma dernière conférence parce qu’il était en manœuvres « contre des mannequins ! » terminait ainsi son billet :

« Veuillez saluer la grande nation, la belle France, votre patrie, le pays des grandes idées. Vive la France victorieuse ! Le colonel H. A… »

« Vive la France victorieuse ! » Si tel n’est pas le cri ouvertement proféré par tous les neutres du Nord, — puisqu’ils sont neutres, — c’est pourtant un sentiment général en faveur de la France qui se dégage des observations que nous avons pu faire au cours de notre mission. Même en Suède en effet, je le crois, l’opinion n’est pas « antifrançaise » par principe, et en tout cas tout le monde s’en défend. Mais elle est énergiquement profrançaise dans toute la Norvège, profrançaise aussi ou pro-ententiste dans la plus grande partie de la Hollande ; quant au Danemark, nous y avons des amitiés individuelles, passionnées, mais annulées momentanément par la confusion générale. Il n’en ressort pas moins de cette longue enquête, que, psychologiquement, la situation morale de la France, auprès des neutres du Nord, est aussi favorable que possible, bien plus favorable qu’on ne le croit dans la masse du public français, et même chez certains de nos intellectuels.

Ce fait domine tout : même absente, même négligente, même vaincue, la France était aimée, la France était regrettée, la France était appelée. Ses « traits éternels » rayonnaient encore au-dessus de ses défaites. Leur éclat se ravive au cours de son héroïque résistance ; ils illumineront le monde demain, après la victoire désormais certaine. Ce phénomène de « l’amour de la France quand même, » chez des peuples étrangers, tels que la Hollande et la Norvège, est une chose unique, que notre devoir est d’entretenir mieux après la guerre, en nous appliquant toujours plus à le justifier. Pour ce faire, nous n’avons qu’à reprendre nos traditions anciennes, notre activité ancienne, et même notre « organisation » ancienne. Car nul peuple n’a été plus organisateur, plus colonisateur que le nôtre, toutes les fois