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l’histoire naturelle, et qu’on peut la mettre sous vitrine sans danger d’explosion. Mais est-ce là l’hommage que mérite un Gaston Paris, que mérite une littérature qui est la première du monde ? Ah ! les « méthodes » allemandes ont bien travaillé dans tout ce Nord de l’Europe, puisqu’elles ont réservé au « roman » tout ce qu’elles refusent au « français, » puisqu’elles ont mis en bocaux ce que notre ami norvégien appelait « le sel du monde, » et que, sous prétexte de Science elles ont stérilisé l’esprit pour cultiver la lettre. C’est ce que, doucement, j’essayais d’insinuer à mes très aimables interlocuteurs, tout en reconnaissant in petto que, là aussi, il y avait de notre faute. Car il nous est arrivé maintes fois de donner chez nous lettre d’obédience aux seules « méthodes » allemandes, alors que nous avions pour nous, en nous, la science française. Espérons que, de ce côté-là encore, il y aura bientôt quelque chose de changé, je veux dire de remis à sa juste place, et pas seulement chez nous.

A Vesterös, petite ville industrielle où je suis l’hôte de l’évêque luthérien, la conférence qui m’a été demandée, sur « la tradition artistique en France depuis le XVIIe siècle, » se donne dans la grande salle du lycée. Je ne suis pas peu surpris du nombre et de la nature de l’auditoire : beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles, une très vive attention, et une intelligence aisée de notre langue. On est heureux d’entendre parler français par un Français. C’est rare à Vesterös, et c’est vraiment tant pis pour nous.

A Upsal, le « docent » de littérature romane, M. Wahlgren, m’attend à la gare. Je serai l’hôte de Mgr l’archevêque Söderblom, primat luthérien de Suède, autrefois attaché à la chapelle suédoise de Paris. Mais ma première visite est pour la célèbre cathédrale (trop « refaite, » d’ailleurs), la cathédrale rouge, en briques, où je vais saluer la plaque commémorative d’Etienne de Bonneuil, architecte français, qui en fournit le plan par contrat, passé à Paris, le 8 septembre 1287. Etienne de Bonneuil appartenait à la « confrérie maçonnique de Notre-Dame. » Ainsi, au XIIIe siècle, l’art français rayonnait jusqu’en Scandinavie, à Tronjheim, à Lund et à Upsal, pour ne citer que ces trois exemples. Et la Suède était en relations directes avec l’Université de Paris. Comment l’évocation de si fiers souvenirs se produirait-elle chez le voyageur français sans s’accompagner