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la logique même de son apostolat, Albert de Mun devait entrer au Palais-Bourbon.

L’œuvre proprement sociale à laquelle il y travailla pendant près de quarante ans, si elle a parfois encore été compromise par les préjugés politiques qu’il rencontrait autour de lui, et qu’il ne ménageait pas toujours, n’en reste pas moins considérable et originale. On peut dire que, dans l’ensemble des bonnes lois sociales de la troisième République, il a eu une large part de collaboration et d’initiative. Même quand on n’acceptait pas sur-le-champ ses idées ou ses propositions, elles faisaient leur chemin dans les esprits et provoquaient, à la longue, d’excellentes mesures[1]. Par la générosité et la hardiesse de son attitude, il piquait au jeu ceux qui se seraient volontiers laissé enlizer dans les ornières d’une politique de partisans, mais qui, d’autre part, eussent été honteux de se laisser « dépasser » par un collègue « conservateur. » Et s’il n’a pas obtenu tout ce qu’il voulait, tout ce qu’il avait raison de souhaiter, il n’est pas niable que, sans lui, d’heureuses « réalisations » sociales ne se fussent point opérées.

Car il ne s’est point contenté, à mesure que l’ordre du jour de la Chambre ou les événemens extérieurs posaient diverses questions qui lui tenaient au cœur, de prononcer des discours, de formuler les solutions qui lui paraissaient les plus équitables ; il provoquait des discussions et des recherches, déposait des projets de loi, prenait des initiatives. Dès 1884, par exemple, dans une interpellation sur la politique économique du gouvernement, il portait le premier à la tribune l’idée d’une législation internationale du travail ; il rappelait à ce sujet les inutiles ouvertures faites par la Suisse en 1881 ; et il s’écriait : « Je voudrais que la France se donnât la gloire de les reprendre, il y a là une mission capable de tenter, d’enflammer son cœur et son génie. Elle a porté, dans l’histoire des siècles, un renom de générosité et de chevalerie dont le souvenir est cher à tous ses enfans, quelle que soit la manière dont ils envisagent son passé. Depuis ses origines, son nom s’est lié avec celui des petits et des faibles… Messieurs, les circonstances ont changé,

  1. Voyez Discours, t. VII (p. 354-355, 370), la page où Albert de Mun revendique justement pour ses amis et pour lui, l’honneur d’avoir « préparé et conçu » toutes les parties viables et utiles de l’œuvre sociale de M. Millerand. Et cf. Combats d’hier et d’aujourd’hui, t. II, p. 281-282.