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Albert de Mun pouvait se rendre ce témoignage qu’elle « exprimait l’effort de toute sa vie » et qu’il « y était demeuré fidèle depuis trente-sept ans. »

La fondation des cercles catholiques d’ouvriers répondait à une double intention : une intention religieuse et morale, et une intention sociale.

En groupant des ouvriers chrétiens, en les mêlant à des représentans d’autres classes, on se proposait d’abord de les arracher aux dangers de la rue et du cabaret, de leur fournir des compagnies agréables et des distractions saines, et, en même temps, de leur permettre d’acquérir une culture religieuse plus variée et plus profonde ; on rêvait en un mot d’en faire des chrétiens énergiques et instruits.

D’autre part, on souhaitait que ces mêmes ouvriers fussent amenés à débattre entre eux, — et avec leurs patrons, — leurs intérêts professionnels, à rédiger en quelque sorte d’un commun accord le code de leurs droits et de leurs devoirs respectifs. Et comme, en ces matières qui soulèvent inévitablement les plus hautes et les plus délicates questions morales, certains principes généraux sont nécessaires, on estimait que de la théologie catholique exactement connue et scrupuleusement méditée, il se dégage un corps de doctrine qui peut aider à résoudre les divers problèmes posés par le régime actuel du travail. Ce corps de doctrine, il s’agissait de l’élaborer, puis de le divulguer, et enfin de le faire passer dans la pratique. Une revue mensuelle, l’Association catholique, fondée en 1876, eut pour objet de rassembler et, au besoin, de provoquer les recherches individuelles, les études générales et particulières. De multiples conférences, des congrès, des réunions internationales, — à Fribourg d’abord, en attendant les Semaines sociales, — favorisaient les échanges de vues et la propagande doctrinale. Peu à peu, un ensemble de théories se constituait ; dans les milieux catholiques actifs et intelligens un nouvel état d’esprit se répandait ; et même les milieux populaires qui n’étaient point spécialement chrétiens commençaient à soupçonner que l’Eglise n’était pas la grande force de « réaction » qu’on leur avait si souvent représentée.

Tout ce mouvement de pensée et d’action dont Albert de Mun n’était assurément pas l’unique, mais dont il restait le principal et le plus éloquent ouvrier, devait aboutir, grâce à