Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/781

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Russie poussant à la guerre toute l’Europe, en attendant qu’elle s’y jetât un jour. En avril 171)3, la Patrie était peut-être plus en danger qu’en août 1792.

Des généraux aux membres du nouveau Comité de Salut public, des officiers aux représentans, tous furent unanimes sur la cause du mal : c’était l’indiscipline qui, de nouveau, avait rendu vaine la valeur et engendré la défaite. Chacun se résolut à la combattre. Ce n’étaient plus les généraux timorés hérités par la Révolution de l’Ancien Régime, mais des chefs à poigne. Ce n’était plus la Constituante, mais la Convention.


V. — LE RÉTABLISSEMENT DE LA DISCIPLINE EN 1793.

J’ai dit combien la loi du 29 octobre 1790 avait, loin de le fortifier, énervé le commandement. La loi du 16 mai 1792 avait institué les cours martiales ; mais ces cours martiales s’étaient montrées d’une faiblesse extrême : « On avait vu, écrit quelques années après le capitaine Legrand, des militaires arrêtés sur les frontières avec armes et bagages, désertant ou plutôt émigrant à l’ennemi, être renvoyés absous[1]. » Le 12 mai 1793, la justice militaire fut réorganisée sur de meilleures bases. Il était temps : « Jamais l’armée, écrit Soult, alors capitaine, n’avait été dans un plus fâcheux état de désorganisation. »

La loi institua des officiers de police de sûreté ; ils furent chargés de préparer la procédure, de porter plainte, — à la place des officiers qui s’y compromettaient, — aux accusateurs des tribunaux militaires qui furent multipliés : deux par armée. Les lois du 3 pluviôse an III, 2 complémentaire an III et 17 germinal an IV, — en attendant le nouveau, code militaire, beaucoup plus sévère, qui ne devait être publié que le 21 brumaire an V, — devaient marquer une série de progrès dans la répression légale de l’indiscipline.

Mais plus que sur les lois, généraux et représentans en mission comptaient sur eux-mêmes pour rétablir la subordination. Le civisme survivait heureusement à la discipline. Il fallait, comme Dumouriez l’avait fait en août 1792, à la veille de Valmy, faire tourner ce civisme ardent en discipline consentie, représenter

  1. La justice militaire et la discipline à l’armée du Rhin et à l’armée de Rhin et Moselle (1791-1796). — Notes historiques du chef de bataillon Legrand, publiées par le capitaine Hennequin, 1909.