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son homme ou ses hommes, le nombre qu’il en prêterait, le taux, payable en concessions à ses doctrines, formules ou turlutaines, auquel il les prêterait; et qu’il désignait, pour cette négociation, cinq plénipotentiaires, dont il semble que M. Renaudel se soit fait le porte-parole et le porte-plume, derrière M. Albert Thomas qui, s’inclinant, confirmait qu’il ne pouvait qu’obéir aux décisions de son parti.

Repoussé par les socialistes, M. Ribot se résigna, vraisemblablement sans douleur, à faire sans eux son ministère. Il était environ trois heures. A la fin de l’après-midi, la liste était arrêtée, et M. Albert Thomas, remplacé pour ainsi dire hiérarchiquement par son sous-secrétaire d’Etat, M. Loucheur. La brèche était bouchée, le navire calfaté; il allait flotter. Mais, à huit heures, M. Painlevé, au sortir d’une visite d’adjuration à M. Albert Thomas, n’ayant point réussi à le fléchir, « venait informer M. Ribot qu’à son tour il croyait devoir se retirer, parce qu’il estimait qu’on ne pouvait former le Cabinet sans la participation des socialistes. » Alors, M. Ribot « remercia tous les membres qui avaient répondu à son appel et déclara qu’il renonçait à poursuivre plus longtemps ses négociations, laissant à un autre le soin de former un ministère. »

Cet autre était tout trouvé. Dans la journée du lundi, M. Painlevé se mit en campagne. Le mardi, à l’aube, il touchait au but; en cet instant, de nouveau les Cinq arrivèrent. Ils avaient encore un papier, et beaucoup plus long, qui occupe une colonne entière de l’Humanité. Ce sont des encyclopédistes ; mais comme, d’autre part, ils ne sont point gens à se nourrir de théorie pure, et perdent rarement la carte, quand ils eurent acquis l’impression que M. Painlevé ne répugnait pas à leurs indications, à leurs directions, dans « l’ordre diplomatique, l’ordre militaire, l’ordre économique, l’ordre de la vie intérieure, » ils vinrent au fait et demandèrent: « Avec quels hommes ? »

Ce fut la pierre d’achoppement. Sans se dépenser en efforts superflus, M. Painlevé avait recueilli les débris de la combinaison Ribot, et premièrement M. Ribot lui-même, qui lui paraissait aussi indispensable aux Affaires étrangères que, la veille, à M. Ribot, M. Paul Painlevé avait paru indispensable à la Guerre. Dans l’ensemble, le ministère Painlevé-Ribot n’était qu’une réplique, qu’une transposition du ministère Ribot-Painlevé, et c’est à cette reproduction, que, par rancune de leur défaite dans l’affaire des passeports pour Stockholm, les socialistes se refusaient à coopérer. Leur