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Mais, ne craignons pas de le redire, la guerre, et surtout une pareille guerre, ne se fait pas uniquement par les armes. Ne craignons pas non plus de le répéter : des quatre facteurs qui contribuent à en mesurer et à en assurer les chances, aucun n’est négligeable, mais le moins négligeable de tous, parce que c’est lui qui règle ou embrouille, permet ou empêche le jeu des trois autres, est le quatrième : le gouvernement. Nous ne l’avons pas caché : de bons juges, des maîtres.de la critique politique, ont cru découvrir dès le début, dans les gouvernemens de l’Entente, una certa fiacchezza, quelque chose de « flasque, » une certaine mollesse, une certaine faiblesse. Il est juste de reconnaître que, dans le camp ennemi, on a fini par faire la même constatation, ou une constatation qui revient au même. Si l’on y est resté plus longtemps sans s’en apercevoir et sans s’en plaindre, c’est d’abord à cause de l’avance qu’une offensive préméditée durant un demi-siècle avait conduit et presque contraint à prendre ; c’est peut-être aussi à cause d’une inclination naturelle à trouver bien tout ce qui est fait par ceux en qui l’on aime à incarner l’infaillibilité de l’État omnipotent ; peut-être encore à cause de la rigidité des institutions et de la rigueur des lois ou de la force des habitudes, dont la première ôte les moyens et la seconde ôte l’envie de récriminer. Mais aujourd’hui, dans l’Europe centrale, comme dans les pays de l’Entente, on a vu où était le point faible, et qu’il était précisément en cet endroit si délicat : partout, des deux côtés, on cherche des gouvernemens, le gouvernement qu’il faut à la guerre. L’Empire allemand, mécontent de M. de Bethmann-Hollweg, n’est que très médiocrement satisfait de M. Michaelis. L’Autriche est passée du comte Clam-Martinitz au chevalier de Seidler, en qui il est visible qu’elle ne se repose pas. La Hongrie, après s’être arrachée à la volonté tyrannique de M. Etienne Tisza, n’a pu que flotter de la jeunesse un peu neuve du comte Maurice Esterhazy à l’expérience un peu mûre de M. Wekerlé. En Italie, M. Boselli se heurte ou se frotte aux difficultés que rencontra avant lui M. Salandra, quoique l’un ait transmis à l’autre, en la personne de M. Sonnino, l’élément de permanence et de continuité. En Angleterre, le Cabinet Lloyd George n’est plus le Cabinet Asquith, ni même le premier cabinet Lloyd George : la sortie de M. Henderson a failli en compromettre l’équilibre. En France, comptons. Nous avons eu deux ministères Viviani, deux ministères Briand, et il s’en est fallu d’un rien que nous eussions deux ministères Ribot. Avec le ministère Painlevé, que nous avons, cela fait sept. Nombre sacré : puissions-nous enfin avoir un gouvernement !