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REVUE MUSICALE.

les troupes à cheval, se partagèrent ainsi longtemps la musique militaire[1]. Les fifres y furent ajoutés, vers le XVIe siècle, par les régimens étrangers, notamment par les Suisses[2]. À signaler encore, en fait d’instrumens locaux, certaine grosse caisse dite « bedon » ou « bedondaine, » introduite chez nous par des mercenaires de Grèce ou d’Albanie ; plus tard, sous Louis XIV, une sorte de grand coquillage, qu’embouchaient, en souvenir de leur pays, des miquelets pyrénéens ; enfin le populaire bag-pipe, qui, dès l’époque de la Renaissance, inspirait aux régimens d’Écosse la même ardeur dont il les enflamme encore à nos côtés, aujourd’hui.

Avec le nombre et la variété des instrumens, s’accroissait peu à peu la beauté de la musique. Le riche répertoire de l’art polyphonique en fournissait les thèmes innombrables. Et même, dans les grandes circonstances de la vie civile, ou civique, cérémonies religieuses, entrées royales, tournois ou concours, les « bandes » militaires ne manquaient pas d’intervenir, et les musiciens de guerre devenaient musiciens de fête. Alors, écrit éloquemment notre confrère, alors, « comme un sang jeune et chaud, la musique coulait dans les veines du monde. »

Le grand siècle — c’est le XVIIe siècle que nous voulons dire — n’était pas pour en rompre, ou seulement en retarder le cours. On voit, à cette époque, ou plutôt on entend se multiplier, sur des rythmes divers, batteries de tambours et sonneries de trompettes. Michel Brenet cite, parmi les premières, l’Entrée, simple et double, la Marche, l’Assemblée, le Ban, la Diane, la Chamade et l’Alarme. Quelques-unes des autres se nommaient le Bouteselle, « à l’Estendart » et le Cavalquet. De cette dernière, le thème s’est conservé jusque sous Napoléon, et le souvenir, ou l’écho, s’en retrouve même dans certaine marche encore usitée aujourd’hui. C’est du règne de Louis XIV que date, non pas seulement chez nous, mais dans le reste de l’Europe, qui nous imitait alors en toute chose, la réglementation de la musique militaire. Autant que des ordonnances, des restrictions étaient parfois nécessaires, certains officiers ne craignant pas d’entretenir à trop grands frais et de leurs deniers, la musique de leur régiment. Aussi bien, en cela comme en tout, le Roi donnait l’exemple, et pour la beauté, pour la splendeur, même musicale, de sa maison

  1. Le petit livre de Thoinot Arbeau (Jehan Tabourot), l’Orchésographie (1588), contient de nombreux détails sur le tambour français et les diverses façons d’en jouer, ou « d’en battre. »
  2. Voir également l’Orchésographie.