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si le pur amour supprimait les motifs d’agir ou de ne pas agir ? et si le silence intérieur anéantissait le pouvoir d’exécuter ou de n’exécuter pas ?… C’est de toute la morale qu’il y va, et de toute l’existence. » M. Dimier blâme enfin Brunetière d’avoir, pour ainsi parler, manié Bossuet comme « la chose et la propriété du critique. » Mais, oui, certainement, si le critique n’est point ici un amateur de belles phrases et de splendide poésie, un historien curieux ; s’il est un homme qui demande à sa lecture une leçon de vérités ; s’il démêle avec lui la règle de sa conduite et la teneur même de sa certitude ! Or, lisez-le : « Quand je me suis mis à l’école de Bossuet… » et non pas du tout : quand j’ai fait ma rhétorique sous Bossuet… « rempli que j’étais des idées de mon temps et des leçons de mes maîtres, j’ai résisté, et j’ai résisté longtemps. Puis, dans cette fréquentation, j’ai trouvé et, chaque fois que j’y reviens, je retrouve tant de bon sens, tant de génie, tant d’autorité, tant de probité intérieure que j’ai fini par me laisser faire ; et je crois que quiconque de vous renouvellerait la même expérience, aboutirait au même résultat. » La modernité de Bossuet, la voilà, si Bossuet peut être aujourd’hui, et s’il doit être aujourd’hui convertisseur et directeur de conscience ; au moins, si la leçon de Bossuet continue d’être efficace et, l’œuvre de Bossuet, notre école.

Laissons la polémique de M. Dimier contre Brunetière : elle n’est pas juste. Et suivons le conseil de M. Dimier qui, sur le point d’examiner la querelle du quiétisme, nous conjure de n’être pas attentifs « aux personnes, » mais bien au fond du débat. Les uns, remarque-t-il, prennent parti pour Bossuet, les autres pour Fénelon, parce qu’ils sont amis de Bossuet ou de Fénelon ; mauvaise méthode : occupons-nous du quiétisme.

Occupons-nous de Bossuet. M. Dimier caractérise le génie de Bossuet, son activité, son enseignement. Il étudie, en Bossuet, l’orateur, l’historien, l’humaniste, le philosophe, l’homme de cour, le théologien, le directeur de conscience et l’évêque, le défenseur de l’orthodoxie et le politique. Tous ces chapitres sont extrêmement pleins ; et pleins de Bossuet : l’auteur ne cherche pas à paraître et plutôt cherche à n’être pas là. Vous le découvrez, mais seulement à cette façon qu’il a de se sacrifier, façon qui certes n’est pas commune chez les critiques. Il préfère Bossuet ; et c’est Bossuet qu’il nous livre. Même, il préfère à Bossuet les idées de Bossuet. Contrairement à l’usage qui, depuis Sainte-Beuve, s’est répandu, et s’est développé jusqu’à un excès dont Sainte-Beuve n’a peut-être pas toute la