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et persuasif patriotisme, il harangue les soldats, leur montre le danger que court la capitale, les conjure de rester fidèles à leur devoir qui est la défense de la patrie menacée.

Le lendemain, les journaux publient son poignant ordre du jour : « Soldats, entre les Allemands et nous il ne reste que la barrière chaque jour diminuée des glaces de la Baltique… » Puis, pour rassurer la capitale que ces sinistres prévisions peuvent avoir troublée, il ordonne un défilé solennel des troupes à travers les places et les rues de la ville. Celles-ci s’y refusent sous prétexte qu’elles n’en ont pas reçu l’ordre du Conseil !…, Quel général eût pu tenir devant une telle offense et une aussi intolérable infraction à la discipline ?

Les actes d’indiscipline isolée n’étaient pas moindres que ceux d’indiscipline collective. A l’Ecole des ingénieurs, où il alla visiter le 2e régiment de mitrailleurs qui y était cantonné, pas un des soldats, assis ou couchés dans les cours et les vestibules, ne daigna modifier son attitude au passage du général !… Korniloff, découragé, écœuré, fit parvenir sa démission au gouvernement provisoire et sollicita son renvoi sur le front.

Il l’obtint. Si une fraction de l’armée peut être sauvée, pensait Korniloff, c’est celle du front, démoralisée, il est vrai, par les comités militaires, par les journaux, par la propagande maximaliste, mais restée en contact plus direct avec ses officiers et n’ayant pas encore, comme celle des grandes villes, perdu tout à fait l’ancien pli.


DE L’OFFENSIVE DE JUILLET A LA PRISE DE RIGA

Un sursaut de dégoût était monté aux lèvres de ceux-là même qui avaient été les plus ardens défenseurs de l’armée, et les plus actifs propagandistes de l’idée révolutionnaire. Ils en avaient assez de ces soldats, de ces tavorischtchis (camarades), comme on les appelait maintenant, qui déambulaient par les rues de la ville, les vêtemens en désordre, la cigarette ou l’insolence à la bouche, confondant la liberté avec la licence, la veulerie avec le pacifisme, la démagogie avec l’éloquence. Les Cosaques, anciens instrumens de la réaction tsariste, ayant dès les premières heures de la révolution fait cause commune avec le peuple, proclamaient hautement leur intention de continuer la guerre, d’aider le gouvernement provisoire à rétablir l’ordre,