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Rheinland sont luthériens ; comme tels, ils semblent seuls offrir des garanties suffisantes, car ils appartiennent à la même confession que le roi ; dans la pensée du gouvernement, ils ont une mission religieuse qui est inséparable de leur mission politique. Quant à la malheureuse population soumise à leur autorité, elle gémit et s’indigne. Parfois même elle ose se plaindre ouvertement que la parité reste dans le domaine de la théorie. En 1845, le baron von Loë prend la parole au Landtag rhénan, et, dans un discours bourré d’une masse de faits et déchiffres, prouve combien peu les droits des catholiques sont respectés, tandis que les coreligionnaires du souverain sont favorisés au-delà de toute mesure. Un journal bavarois publie ce discours : le baron von Loë est immédiatement traduit devant les tribunaux pour avoir violé la loi qui interdit de publier les délibérations des États provinciaux.

À l’oppression matérielle s’ajoutent encore les outrages. Il est toujours permis aux ministres protestans, du haut de leur chaire ou dans leurs journaux, d’attaquer la foi romaine, mais les prêtres et les évêques ne jouissent pas des mêmes libertés. En 1822, Goerres raconte que le directeur du gymnase de Coblence, où le ministère s’est empressé de nommer un grand nombre de professeurs protestans, a été obligé de quitter son poste parce qu’un des maîtres, un catholique parlant à des élèves catholiques, a blâmé Luther et la Réforme. Les injures, qui atteignent parfois un degré de violence inouï, sont de tous les instans, et revêtent dans l’esprit public un caractère presque officiel. Tel jour, c’est un immigré qui dénonce avec fracas l’obscurantisme des catholiques ; tel autre jour, c’est un autre immigré qui fait le procès de leurs superstitions. Les prêtres sont en butte à un espionnage continuel, et l’on guette sans répit les jugemens qu’ils portent sur le gouvernement. En 1845, lors de l’exposition de la Sainte-Tunique à Trêves, Sybel et Gildenmeister, tous les deux professeurs à l’université de Bonn, avec un lourd appareil d’érudition, publient un pamphlet où ils tournent en ridicule l’objet de la piété populaire.

De plus, le pays, religieusement, est colonisé comme une terre d’infidèles au grand avantage du protestantisme. Aussitôt qu’une ville contient un petit nombre de luthériens, venus d’au-delà du Rhin, l’État fonde un temple protestant, et la présence d’une garnison, si infime soit-elle, lui sert toujours