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du reste sans d’innombrables et énergiques protestations de la part des pays annexés.

On peut dire qu’au moment où se clôt la période que nous étudions, l’attachement des populations rhénanes à la législation française n’a fléchi en aucune façon. En Prusse, le gouvernement a marqué une capitulation provisoire, mais la défiance est éveillée, et l’on se prépare à repousser des tentatives dont on sent planer la menace. Dans le Palatinat, les institutions napoléoniennes conservent toute leur faveur et sont chéries d’une population qui y voit le gage de ses libertés. En Hesse, les Codes impériaux ont résisté à l’attaque dirigée contre eux, et le ministère a dû s’avouer vaincu. Au plus fort de la lutte, K.-A. Schaab, vice-président du tribunal de Mayence, a publié l’histoire de cette même ville, et il en a profité pour faire un éloge vibrant du droit français. La page qu’il lui consacre est si enthousiaste, elle reflète si bien l’opinion du pays tout entier que nous ne saurions nous dispenser de la citer : « Il est vrai, il est indéniable, lisons-nous[1], que la législation et les institutions établies par suite de l’union de la rive gauche du Rhin avec la France, ont amené un changement total dans tous les rapports politiques et sociaux. Quoique émanant d’une république et d’un peuple étranger, elles n’ont eu qu’une bonne influence sur le caractère allemand et les mœurs allemandes ; bien plus, elles ont fait leurs preuves pendant un demi-siècle… Elles étaient essentiellement basées sur l’égalité de toutes les classes de la société devant la loi et devant le juge, et aussi sur la liberté du citoyen et de l’homme… Des débats publics et oraux dans les affaires criminelles et civiles, la suppression de tous les conflits de compétence, la défense par des spécialistes que l’accusé choisit lui-même, la séparation sévère de la justice et de l’administration étaient des principes fort appréciables. Le système d’impôts nouvellement introduit habitua à l’ordre et à l’exactitude. On accorda aux actes de l’état civil l’importance qu’ils méritaient ; on chargea les autorités municipales d’en prendre soin sous le contrôle des tribunaux. Le Code civil paru en 1804 se signala par sa dignité juridique et par de saines idées. Il abaissa la limite de la majorité, octroya aux femmes non mariées les mêmes libertés

  1. K.-A. Schaab, Geschichte der Sladt Mainz (1847), t. III, p. 127.