Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour ainsi dire ne dépassait le rang de major ; rares étaient ceux qui devenaient capitaines ; on leur accordait tout au plus quelques charges inférieures.

D’autre part, la Prusse avait pris l’habitude de ne jamais consulter la nouvelle province sur ses propres affaires. Elle lui imposait ses décisions de très haut, les lui infligeait d’autorité, sans solliciter un avis ou tolérer la moindre observation. Le 5 juin 1823, elle lui avait concédé une assemblée provinciale, qu’elle destinait uniquement à enregistrer les volontés de Berlin. En quatorze ans, ce Rheinischer Landtag ne délibéra sur rien de ce qui intéressait les habitans du pays, sauf sur le mode d’application de lois promulguées par le souverain, sur les règlemens d’une maison de fous, et sur quelques ordonnances touchant la chasse. Le 14 juin 1837, lassé du mépris qu’on lui témoignait, il envoya à la couronne une retentissante protestation : « D’après la loi du 5 juin 1823, toutes les lois concernant la province devaient être communiquées au Landtag pour en délibérer, ainsi que les projets de lois générales qui ont rapport à l’Etat, aux droits des personnes, à la propriété et à l’impôt. Néanmoins, une grande partie des lois et ordonnances qui, d’après cette loi, auraient dû être soumises à la délibération du Landtag, ont été promulguées sans cela… Dans ce moment même, nous avons à délibérer sur un projet de loi d’après lequel le mariage cesse d’être un pacte civil ; et l’on ne nous permet pas de discuter sur la loi elle-même, mais seulement sur la manière la plus opportune de l’exécuter… Pas un seul budget provincial n’a été mis sous les yeux des députés, pas un seul compte sur l’emploi des deniers provinciaux ne leur a été soumis. »

En fait, les instincts démocratiques des Rhénans se heurtaient chaque jour aux tendances féodales de la Prusse, et le Rheinland était l’un des pays où l’esprit de l’ancien régime luttait le plus violemment contre celui de la Révolution. Les prescriptions françaises sur la chasse avaient été vite remplacées par. une ordonnance très impopulaire aux termes de laquelle toute commune affermait annuellement tout son territoire au plus offrant ; ainsi le possesseur du sol se voyait enlever le droit de tirer le gibier vivant dans son domaine, et ne pouvait empêcher l’adjudicataire de chasser chez lui : cela paraissait incompatible avec le principe de la propriété privée.