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l’action collective et méthodique, tandis que le Français et l’Anglais sont, par comparaison, désordonnés, instinctifs. Peut-être ce goût même d’un ordre voulu, qui rend l’Allemand si redoutable sur la terre, si consciencieux et si prévoyant, est-il propre à le ralentir et à lui enlever de l’assurance dans l’air. En tout cas, les expériences de cette guerre semblent avoir vérifié cette hypothèse. Les aviateurs allemands ne sauraient dans leur ensemble soutenir la comparaison avec ceux des Alliés. Ils n’ont pas l’agilité aérienne. Les champions qu’ils ont produits étaient des gens qui n’avaient qu’un tour dans leur sac ; un de leurs grands hommes, Immelmann, — il fut abattu par un tout jeune Anglais, il y a environ un mois, — avait une façon de fondre comme un épervier. Il montait très haut et puis s’abattait de toute sa vitesse sur son adversaire en faisant feu de sa mitrailleuse pendant la descente. S’il ne réussissait pas cette botte furieuse, il continuait à descendre… Cela ne frappe pas l’aviateur allié comme très brillant. Il saura tôt ou tard attraper au vol un monsieur de cette espèce en allant le chercher au-dessus des lignes allemandes.


Frappé par le rôle de ces moyens nouveaux, — grosse artillerie, tanks, aéroplanes, — et leur caractère industriel, M. Wells se hâte de conclure à l’éclipsé, il dirait volontiers à la faillite du militaire professionnel. A ses yeux, cette guerre moderne sort de l’atelier, non de la caserne ; elle est conduite par l’ingénieur, non par l’officier. Nous voyons ici très clairement, sur ce premier exemple, comment raisonne l’auteur et la part de la doctrine, du système, dans ses conclusions. Il nous a prévenus, au début de son livre, que ses vues personnelles coloreraient toutes ses réflexions. Elles interviennent jusque dans ses observations elles-mêmes. Celles-ci sont justes à l’origine, quand elles notent des faits, dont elles mettent en pleine lumière l’originalité, la nouveauté. Oui, la guerre d’aujourd’hui diffère étrangement de celles qui l’ont précédée, et pour relever ces différences, nous pouvons compter sur M. Wells. Mais il veut qu’elles signifient une rupture avec le passé, l’avènement d’un autre ordre. ; et dès lors il les grossit, les exagère, les dresse comme un mur devant l’éternelle vérité de la guerre. Il commence par oublier que ces moyens nouveaux sont d’usage relativement tardif dans la guerre actuelle, postérieurs aux grands événemens du début qui sans doute en décidèrent le cours, notamment à la victoire. merveilleuse de la Marne, remportée par l’intelligence des chefs