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Tant y a que le président Wilson, avec une clarté de vues, une énergie calme et un juste sentiment de ses responsabilités auxquels il convient de rendre hommage, a pris, pour résoudre le délicat problème du ravitaillement des neutres, — mais des neutres seuls, et non de l’Allemagne derrière eux, — des mesures qui seront sans doute efficaces, si les négociations manifestement « tendancieuses » des neutres en question n’aboutissent pas à de dangereuses concessions de la part de nos nouveaux alliés.

Mesures efficaces, viens-je de dire ; mais l’efficacité dont il s’agit ne vise que la stricte limitation des importations à ce qui est indispensable aux Hollandais et aux Scandinaves. C’est sans doute beaucoup, déjà, de priver à peu près nos adversaires des ressources que leur procurait l’inépuisable et fructueuse complaisance de leurs voisins immédiats, et l’on sait maintenant que l’attitude nouvelle de M. Erzberger, d’abord, de la majorité du Reichstag, ensuite, a eu pour essentielle origine la juste préoccupation des conséquences de ces faits économiques de haute portée. Malheureusement, les événemens militaires qui se déroulent sur le front russe au moment où j’écris ceci, infirment singulièrement, d’avance, les résultats du resserrement du blocus sur le front maritime. Il n’est pas permis de se faire illusion : les, empires centraux vont récupérer largement dans la Podolie, la Bukovine et la Moldavie, si le recul des Russes s’accentue, les ressources essentielles en céréales, pétroles, matières grasses, cuirs, minerais, charbon même, que le grand chemin de la mer, prolongé par les voies ferrées des neutres, ne leur apportera plus.

Ainsi, comme je le disais tout à l’heure, l’argument en faveur du statu quo maritime tiré de l’efficacité nouvelle du blocus à distance, perd de sa valeur. Peut-être observera-t-on que si cet argument voit diminuer sa force persuasive, celle des raisons qui défendent le blocus rapproché n’y gagne rien. Et en effet, il semble d’abord que des opérations sur les côtes de l’Allemagne n’auraient aucune influence sur l’exploitation « intensive » des riches terres noires de la Russie, exploitation à laquelle les Allemands se livreront certainement, en cas de succès marqué. Mais il suffit d’un peu de réflexion pour comprendre que toute opération de nature à fortifier le moral de nos alliés de l’Est dans la grande crise qu’ils subissent, à