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fausse route dans le choix de sa politique navale et si le blocus à distance de l’Allemagne, qui est le fond même de cette politique, ne s’était pas montré doublement insuffisant, d’abord pour affamer et ruiner l’Allemagne dans un délai assez bref, ensuite pour nous empêcher d’être affamés et ruinés nous-mêmes, c’est ce dont on ne saurait vraiment se montrer surpris. Le contraire eût été bien étonnant, puisqu’enfin il y a toujours des gens qui observent, qui réfléchissent, qui prévoient, mais qui ont ce malheur qu’étant ainsi faits, ils déplaisent quelquefois aux masses et presque toujours à leurs gouvernans.

Il faut cependant le reconnaître impartialement : les raisons que donnent les partisans du statu quo maritime dont je parlais tout à l’heure ne manquent pas d’une certaine valeur, spécieuse au moins ; et, pour mieux combattre ces argumens, il convient de les exposer en toute franchise.

Le premier, qui a perdu beaucoup de sa force au cours de l’année 1916, mais auquel l’entrée en action des Etats-Unis procure un regain de faveur, est fondé sur l’efficacité qu’on se plaisait à attribuer au blocus à distance, surtout après qu’il fut entendu que, renonçant aux principes, — non ratifiés, heureusement ! — de la déclaration de Londres, les Alliés exerceraient le « droit de suite » sur les cargaisons transportées par les navires neutres à destination des ports des puissances limitrophes ou immédiatement voisines de l’Allemagne ; telles la Hollande et le Danemark dans le premier cas, la Norvège et la Suède, dans le second, puisque les deux derniers royaumes Scandinaves ne sont séparés des ports de l’Empire que par la Baltique[1], mer sur laquelle, comme nous l’avons remarqué plus haut, l’Allemagne garde la maîtrise.

On prétendit, en effet, bloquer nos ennemis au travers des neutres du Nord, malgré les inextricables difficultés auxquelles on s’exposait, difficultés que j’avais discrètement annoncées, il y a quelques mois, ici même[2], et sur lesquelles je me suis suffisamment étendu, le 1er juin et le 15 juillet derniers, pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir.

  1. En ce qui touche la Norvège, je compte le Skager-Rak comme faisant partie de la Baltique. En fait, les navires de guerre anglais n’y paraissent guère. On se rappelle que les Allemands, au contraire, ont bloqué, dans l’automne de 1916, les côtes Sud de la Norvège.
  2. Voyez la Revue des 15 février, 1er mars et 1er juin 1917.