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bien à nous. C’est le minimum de ce que nous sommes en droit d’exiger. »

Telle était notre attitude. Elle ne comportait aucune renonciation à nos légitimes espérances nationales. Elle nous était cependant imposée par les circonstances. Les Allemands, qui, en déchirant le traité de Francfort, ont détruit les prémisses de notre raisonnement conditionnel, ne sont donc nullement autorisés à vouloir en maintenir la conclusion provisoire.

Comment en viennent-ils d’ailleurs à vouloir nous concéder aujourd’hui ce qu’ils nous ont constamment refusé pendant quarante-quatre ans ? Quel était, en effet, le statut national de l’Alsace-Lorraine dans l’Empire germanique ?

L’empire est une fédération d’États, qui n’ont renoncé en sa faveur qu’à une partie strictement limitée de leur souveraineté particulière. L’article 6 de la Constitution de 1871 limite, d’une façon précise, la compétence de l’Empire en matière de législation. Les États gardent leurs souverains, leurs ministères, leurs parlemens, leurs corps de fonctionnaires, la Saxe et la Bavière, leurs armées.

Les lois sont présentées au Reichstag au nom des gouvernemens confédérés. L’empereur n’a aucun droit de veto. Il est obligé de promulguer les lois qui, après avoir été votées par le parlement d’empire, ont été approuvées par le Conseil fédéral. Celui-ci se compose de 58 membres (61 depuis que l’Alsace-Lorraine y est limitativement représentée) à raison de 17 délégués pour la Prusse, 6 pour la Bavière, 4 pour la Saxe, 3 pour le Wurtemberg, le grand-duché de Bade et le grand-duché de Hesse, 1 pour chacun des autres États. Les délégués ne forment pas, à proprement parler, une assemblée législative. Ils votent sur mandat impératif de leurs souverains, ou, pour parler plus juste, de leurs gouvernemens respectifs. Les projets de lois de l’empire sont donc d’abord soumis à l’examen des États particuliers, qui « instruisent » ensuite leurs délégués au Conseil fédéral. Pour éviter toute surprise, un seul délégué par État dépose dans l’urne, au moment du vote, tous les bulletins revenant à l’État qu’il représente.

L’Empereur n’est donc pas, à proprement parler, le souverain de l’Allemagne unifiée, mais comme on dit là-bas, le