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primitives de la nature au temps où l’Angleterre était reliée par un isthme au continent. Tout au long de l’histoire enfin, la Grande-Bretagne n’a cessé de recevoir l’influence bienfaisante de la latinité. L’époque de la Renaissance pour l’Angleterre a été la même que pour l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la France.

Le développement de la nation anglaise est d’accord avec le progrès de tous les peuples latins et suit le sillon de la culture française et européenne. Shakspeare appartient au siècle de Michel-Ange, de Cervantes, de Camoëns, de Ronsard. Dans l’ordre politique, la France et l’Angleterre ont été les deux patries des institutions libres, et M. Mackinder observe :

« Nous sommes inspirés de sentimens d’amitié envers tous les Alliés, mais la géographie et l’histoire ont décidé que nos trois nations, anglaise, française et italienne, ne sont pas seulement sœurs, mais aussi vivent dans la même maison. De nos fenêtres insulaires et péninsulaires, nous regardons les mêmes mers de l’Occident et la même clôture vers le même ennemi d’Orient. Quand la paix reviendra, nous aurons tout le temps de nous souvenir de l’origine commune de notre civilisation dans les siècles passés et de ce que veulent dire pour l’historien, les noms de Rome, de Paris et de Londres. »

En l’écoutant à la Sorbonne, nous songions que le tunnel sous la Manche serait un excellent moyen d’aménager cette belle maison anglo-franco-italienne et, tout aussitôt, nous avons eu la joie d’entendre les paroles suivantes couvertes d’applaudissemens par toute la salle :

« Cette famille ne doit pas se séparer. Nos caractéristiques doivent rester. Nous nous compléterons, au lieu de nous concurrencer. Si nous le voulons, nous pouvons constituer une parfaite unité défensive. Je ne vais parler ici, bien entendu, qu’à un point de vue personnel, notre Gouvernement n’a rien arrêté à ce sujet ; mais je crois que le tunnel sous la Manche, en complétant l’œuvre des grands tunnels sous les Alpes, fera de nos trois territoires une seule forteresse, la citadelle imprenable de la liberté. »

C’est ce vœu que les Sociétés anglaise et française du tunnel sous la Manche ne demandent qu’à exaucer.


A. SARTIAUX.