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Manche devra avoir un profil en fond de bateau, avec ses points les plus élevés à l’entrée et à la sortie. Son point le plus bas sera vers le milieu. Autrement, il faudrait faire remonter le tunnel au jour de points situés à une grande profondeur à partir de la côte, ce qui entraînerait un allongement considérable de parcours en même temps que des déclivités probablement impraticables.

Force sera donc de faire partir le tunnel d’un point de la côte situé au-dessus du niveau de la mer, pour descendre vers le milieu du détroit, à une profondeur qui le placera à environ 95 mètres au-dessous de ce niveau et à 50 mètres au-dessous du fond de l’eau. Ce plafond de 50 mètres d’épaisseur constituera une protection amplement suffisante contre les sous-marins et les explosifs.

Mais il y a un danger : si, malgré l’imperméabilité de la couche, des infiltrations se produisent, ces eaux viendraient butter au point le plus bas du tunnel, c’est-à-dire en son milieu, d’où il serait très difficile de les retirer.

Dans ces conditions, le mieux sera sans doute de creuser, au-dessous du tunnel, une galerie d’écoulement indépendante du tunnel lui-même. Partant, — au fond d’un puits, — d’un point bas de la couche de craie grise à environ 120 mètres au-dessous du niveau de la mer, à la côte, cette galerie remontera vers le milieu du détroit jusqu’à la hauteur déjà indiquée de 50 mètres au-dessous du fond de l’eau, pour y rencontrer le tunnel lui-même. La pesanteur entraînera les eaux vers le fond du puits, — ou des puits, car il y en aura sans doute plus d’un, — et des pompes puissantes les épuiseront.

Les entrepreneurs français et anglais qui exécuteront le travail suggéreront peut-être de meilleurs moyens, mais il semble que la galerie d’écoulement ne sera pas seulement galerie d’écoulement, mais qu’elle devra jouer le rôle, peut-être encore plus important, de galerie d’essai, permettant de tracer le tunnel avec sûreté et du même coup avec rapidité et au meilleur compte.

Il serait peu prudent, en effet, d’attaquer d’emblée le percement du tunnel lui-même avant d’avoir reconnu expérimentalement le sol : si l’on sait que la couche souterraine de craie grise existe avec une épaisseur suffisante, on n’est pas fixé avec une certitude absolue sur la position exacte, à quelques