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mais ceux qu’il préférait, c’étaient les poètes. Il n’entendait pas par là les seuls écrivains en vers, mais tous ceux qui ont de l’imagination, de la sensibilité, de la fantaisie, tous ceux qui vivent par le rêve, tous ceux qui ont, suivant sa charmante expression, « de la musique dans l’âme. » Ceux-là devenaient ses compagnons dans ses pèlerinages passionnés pour l’Art et la Beauté.



Ce qui décida de sa carrière, ce fut le choix de Ferdinand Brunetière, qui lui confia le soin de rédiger ici même les « Revues étrangères. » Ferdinand Brunetière était un grand découvreur d’hommes : appelé à la direction de cette Revue, il n’eut pas de plus constant souci que de lui créer une rédaction incomparable, en s’entourant des plus beaux talens. Il vit tout de suite ce qu’on pouvait attendre d’un homme doué et armé comme l’était Wyzewa. Un des objets essentiels de notre publication a toujours été de renseigner le lecteur français sur le mouvement des idées, de la littérature et des arts à l’étranger ; ce fut la pensée même de son fondateur : il voulait qu’elle eût toujours des fenêtres ouvertes sur « les deux mondes. » Signaler, à mesure qu’ils paraissent sur un point quelconque du globe, les livres vraiment nouveaux, qui marquent et font date, ceux qu’il faut avoir lus pour peu qu’on veuille être au courant, présenter en des études d’ensemble l’œuvre des écrivains qui, dans la littérature de chaque pays, arrivent à la maîtrise, esquisser en des portraits vivans les figures contemporaines les plus dignes d’attention qui émergent hors de chez nous, c’est une mission à laquelle la Revue des Deux Mondes s’est efforcée de ne jamais faillir. Il suffit de rappeler, entre tant d’autres qui furent ici les plus vigilans des informateurs, les noms des Saint-René Taillandier et des Émile Forgues, des Montégut et des Cherbuliez. Wyzewa allait prendre place et inscrire son nom dans cette brillante lignée.

Je ne crois pas qu’aucun autre écrivain ait eu jamais des littératures étrangères une connaissance plus étendue, car il n’y avait presque pas une langue littéraire qu’il ne fût pour le moins en état de comprendre, et presque pas un livre qu’il ne pût lire d’original. Versé dans toutes les littératures, il savait à quelle phase de son développement chacune d’elles était par-