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L’un d’eux, Pierre Gouvy, nommé maire en 1745, est qualifié maître de forges et maire royal ; il remplit sa charge depuis 1745 jusqu’en 1765. Il était né en 1714, à Goffontaine, près Verviers. Après avoir étudié à l’Université de Trêves, il vint se fixer à Sarrelouis, où il installa des hauts fourneaux. Le prince de Nassau-Sarrebrück lui concéda un privilège pour la fabrication de l’acier dans sa principauté où le minerai de fer aussi bien que la houille est abondant. Actif et entreprenant, Gouvy établit en 1752 une fabrique d’acier auprès de Sarrelouis et, en souvenir de son pays natal, il baptisa Goffontaine le hameau ouvrier qui s’éleva autour de sa nouvelle usine. Il mourut en 1768, laissant onze enfans ; nous aurons l’occasion de reparler de sa famille qui est encore aujourd’hui à la tête de grandes industries métallurgiques dans la même région.

En 1790, la frontière française englobait Thionville, Sierck, Sarrelouis, Vaudrevange, Créange, Bitche, Landau, laissant hors de France Luxembourg, Merzig, Sarrebrück, Bliescastel, Deux-Ponts. Notre petite ville lorraine eut bientôt à subir le contre-coup de la Révolution française, et elle fut dès 1789, comme la plupart de nos villes de province, le centre d’une grande effervescence populaire. Puis ce fut le règne de la Terreur ; il lit de nombreuses victimes à Sarrelouis. Les maires, Pierre Bogard, entré en charge en 1790, et Jean-Pierre Scharff, en 1791, furent guillotinés à Paris, en 1793 ; quatorze autres Sarrelouisiens subirent le même sort. Par un décret de la Convention du 22 juillet de la même année, Sarrelouis fut désormais appelée Sarrelibre ; elle devint un chef-lieu de canton de l’arrondissement de Thionville. Bientôt, très éloignée de la frontière que nos victoires, appuyées sur le vœu des populations, reculèrent jusqu’au Rhin, elle n’eut plus à jouer, comme place forte défensive, qu’un rôle secondaire, jusqu’aux événemens de 1814.


II

Dans la matinée du 4 janvier 1814 et les jours suivans, les Sarrelouisiens, qui avaient assisté, dans les mois de novembre et décembre précédens, au passage de nos armées refluant d’Allemagne vers l’intérieur de la France, virent tout à coup arriver dans leurs murs, par la route de Trêves, des filles innombrables de familles du pays rhénan qui fuyaient devant