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bien général de la grande société humaine ? » Quelque autonomie comme État allemand, que tel ou tel fait miroiter d’Allemagne aux yeux du « Pays d’Empire, » jusqu’ici bailliage commun, terre sujette, mais dont l’Alsace-Lorraine a horreur ? Et quelle coordination subordonnerait nos intérêts particuliers au bien général de la grande société humaine, avec lequel on ne voit pas en quoi ils seraient en opposition, puisque enfin, de « la grande société humaine, » nous en sommes, nous ? Pourquoi seraient-ce toujours les mêmes qui se feraient tuer ? Pourquoi, une fois de plus, nous sacrifierions-nous ? Surtout, pourquoi et comment sacrifierions-nous une seconde fois l’Alsace-Lorraine, que cette fois ce serait nous-mêmes qui sacrifierions ?

Dans un dernier paragraphe, la Note, qui n’a nommé ni l’Alsace-Lorraine, ni le Trentin, ni Trieste, qui ne nomme ni la Serbie, ni la Roumanie, cite l’Arménie, les États balkaniques, la Pologne avec mention privilégiée : « L’ancien royaume de Pologne, auquel ses nobles traditions historiques, les souffrances endurées spécialement pendant cette guerre doivent justement concilier les sympathies des nations ; » le chevalier et le témoin de l’Église catholique romaine en face de l’Église orientale. Pour elles, l’Arménie, la Pologne, leur sort devra être examiné « avec le même esprit d’équité et de justice. » L’esprit d’équité des Turcs qui ont exterminé la nation arménienne ; l’esprit de justice des Allemands et des Autrichiens qui se sont partagé la nation polonaise!... Telles sont, — telles sont pourtant, — « les principales bases » sur lesquelles le Souverain Pontife croit que doit s’appuyer « la future réorganisation des peuples, » qui lui « semblent de nature à rendre impossible le retour de semblable ? conflits et (la Note y revient encore dans sa conclusion) à préparer la solution de la question économique si importante pour l’avenir et le bien-être matériel de tous. » Nous n’avons eu qu’à les prendre une à une pour en montrer la fragilité, tant que les fondemens n’en auront pas été assis et cimentés dans la victoire. « De plus en plus, fait observer Benoît XV, la lutte terrible apparaît comme un massacre inutile. » Inutile dès son premier jour, on ne le dira jamais assez à ceux qui l’ont déchaînée, mais salutaire et sacrée aux derniers. Le Pape ajoute : « Tout le monde reconnaît que, d’un côté comme de l’autre, l’honneur des armes est sauf. » Non ; tout le monde sait que, d’un côté, les armes ont été déshonorées. Ayons la franchise de l’avouer en toute confiance et toute révérence envers le Père commun, cette « parfaite impartialité » nous blesse, parce qu’elle nous dépasse. Elle