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Monluc reconnaissait à la guerre trois raisons d’être : gagner des batailles, prendre des villes, défendre des villes. De ces trois objectifs, le premier, qui rentre dans la guerre de mouvement, est une exception au XVIe siècle : on pourchasse son ennemi de ville en ville ; il revient sur vous ; on resserre ou on lève un blocus ; les alternatives de succès et de revers sont constantes ; « il est impossible d’être toujours suivi du bonheur ; » les troupes passent de longs mois dans des tranchées creusées à 150 pas de distance, faisant le jour de brillantes sorties, agissant plutôt par « camisades. » Cette guerre, dans sa préparation comme dans son exécution, offre mutatis mutandis de grandes analogies avec les opérations actuelles. Les Commentaires de Monluc sont précieux pour qui veut en connaître la théorie et la pratique, y compris la mise en action des facteurs moraux. L’esprit militaire français caractérisé à la fois par le goût des initiatives, la crânerie de l’attitude, l’entrain, l’abnégation et bien d’autres qualités encore, y apparaît en beauté. Et l’on éprouve un grand charme à ces récits et à ces enseignemens, dictés tout d’une traite par le vieux guerrier se remémorant ses campagnes et parlant une langue à laquelle la verve gasconne donne une piquante saveur.


La défense des places fortes est un sujet capital auquel Monluc a consacré une longue « remontrance, » car « il n’y a ville qui se perde sans amener une grande perte de pays. » Ses enseignemens n’ont pas vieilli et peuvent encore aujourd’hui être médités avec profit.

Les devoirs incombant au chef qui a assumé la responsabilité de conserver à son pays une ville fortifiée compteront toujours parmi ceux qui, à la guerre où tout est cependant dévouement et sacrifice, exigent la plus grande énergie, la plus grande abnégation, la plus grande force d’âme. Les règlements de nos armées n’ont jamais varié sur ce point : tous ont proclamé la nécessité pour un gouverneur assiégé de résister jusqu’à la dernière extrémité, malgré l’affaiblissement de la garnison, malgré la brèche ouverte dans l’enceinte. La « Remontrance du seigneur de Monluc aux gouverneurs des places » est d’une rare véhémence. Le vieux guerrier apostrophe avec indignation les gouverneurs qui capitulent avant d’avoir rigoureusement