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le caractère spécial de la musique et de la danse qui les accompagnent, par les difficultés d’une technique qui requiert des professionnels exercés, se léguant de père en fils les procédés de leur art, doivent sans doute être vus au Japon même, sur les théâtres spéciaux des temples ou des différentes écoles qui en cultivent et perpétuent l’interprétation. Le projet a été formé cependant par l’une de ces écoles de jouer à Londres quelques-uns des Nô les plus célèbres. Il est permis de se demander si une autre tentative, plus audacieuse, ne pourrait être faite et s’il ne serait pas possible de traduire, non seulement dans une de nos langues européennes, mais dans notre musique, un ou plusieurs des Nô les plus caractéristiques. S’il en était ainsi, j’ose penser qu’il y a dans notre école musicale française tel ou tel compositeur, qui me paraît particulièrement apte à transposer dans sa langue et dans son art la musique spéciale des Nô. Je pense aussi qu’il y a, parmi les directeurs de nos grandes scènes, tel ou tel homme de goût, de science, curieux des théâtres étrangers, épris des belles ardeurs, qui ne craindrait pas de risquer l’entreprise. Quant au choix à faire parmi les Nô pouvant être ainsi traduits et représentés, il me semble que ce choix pourrait tomber sur l’un des Nô ci-dessus cités et analysés, sur l’un des drames d’amour, Komachiau stupa ou le Tambourin de damas, traduits par M. Noël Péri, ou sur cet admirable Nô d’Atsumnri, où sont si profondément exprimées la poésie guerrière et la poésie religieuse de nos grands alliés d’Extrême-Orient. A l’heure où nos âmes communient dans les mêmes pensées et les mêmes sentimens, ce serait un bel et opportun hommage rendu à un théâtre qui mérite de prendre rang à côté des nôtres parmi les chefs-d’œuvre de l’art universel.


A. GERARD.