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Le chœur qui, comme il arrive souvent dans la composition et l’économie des No, confond ses sentimens avec ceux du « shite » et le double, poursuit avec lui :

Je vais, je reviens, revenu j’y retourne.
Une nuit, deux nuits, trois nuits, quatre nuits,
Sept nuits, huit nuits, neuf nuits,
Dix nuits ; en la nuit même de la fête des récoltes,
Sans la voir, j’ai fait ce chemin. Aussi fidèlement que le coq
Marque les heures, chaque matin,
J’ai fait une marque, au bord de l’escabeau.
Durant cent nuits je devais venir,
Et déjà la quatre-vingt-dix-neuvième était passée.

LE SHITE. — Ah ! quelle souffrance ! mes yeux s’obscurcissent !
LE CHŒUR. — Quelle douleur en ma poitrine ! Et désespéré, Sans pouvoir atteindre la suprême nuit, il est mort.
Du général de Fakakusa
Est-ce donc la colère jalouse qui s’empare de moi
Et me jette en une telle folie ?

La folie de la passion, folie humaine, se mêle, se superpose ici à la substitution et comme à la migration du « karma » bouddhiste. C’est une possession, en même temps qu’une délivrance. Le drame et la doctrine se pénètrent et se multiplient en quelque sorte l’un l’autre. Mais la doctrine finit par l’emporter, et au moment où Komachi, dans les derniers pas de sa danse, est revenue à elle, c’est le chœur qui, traduisant et achevant sa pensée, ajoute et conclut :


Puisqu’il en est ainsi, pour l’existence future
Il faut prier ; là est la vérité.
Entassant les galets jusqu’à en faire un « stupa, »
.le veux rendre mon corps brillant comme l’or ;
De mes mains tendues offrant des fleurs au Bouddha,
Je veux entrer dans la voie de l’Illumination.


VI

Les deux derniers Nô de la journée, appartenant à la quatrième classe, celle des actualités ou scènes d’histoire (genzai-mono) et a la cinquième, celle des spectres et démons,