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Ah ! j’ai honte de mon propre aspect !
Dans le sac suspendu à ton cou
Qu’as-tu donc mis ?

LE SHITE. — Rien que la vie pour le jour présent même ne soit pas assurée,

Pour apaiser ma faim demain,
C’est une galette sèche de millet et de fèves
Que j’ai mise et conserve en ce sac.

LE CHŒUR. — Et dans le sac que tu portes sur le dos ?
LE SHITE. — Il y a un vêtement souillé de sueur et de poussière.
LE CHŒUR. — Dans le panier de bambou suspendu à ton bras ?
LE SHITE. — Il y a des sagittaires blanches et noires.
LE CHŒUR. — Mon manteau de paille déchiré,
LE SHITE. — Mon chapeau tout rompu,
LE CHŒUR. — Ne cachent même plus mon visage.
LE SHITE. — Comment me défendraient-ils du givre, de la neige, de la pluie, de la rosée ?
LE CHŒUR. — Et, pour essuyer mes pleurs,

Je n’ai plus mes larges manches flottantes.
A présent, errant le long des chemins,
Je mendie auprès des passans,
Et quand on me refuse, un mauvais sentiment,
Une folie même s’empare de mon cœur,
Ma voix change, et c’est horrible.

LE SHITE — (Tendant son chapeau vers les moines.)

Ah ! donnez-moi quelque chose, ah ! moines ! ah !

Ici, la folie la prend. Elle se figure être elle-même le général de Fukakusa, elle demande à aller auprès de Komachi, « de celle qui s’appelait Komachi, dont la beauté était si grande, qui a vécu, qui est devenue centenaire, voilà son châtiment ! »

Dans la scène finale, celle où le dénouement est marqué par la danse, Komachi, devenue elle-même le général, revêtue du hakama blanc, rejetant sur sa tête les manches de son habit de chasse, chante tout en dansant son pas rythmé :

Me cachant à tous les regards sur le chemin,
Je vais sous la clarté de la lune, je vais à travers l’obscurité,
Par les nuits de pluie, par les nuits de vent,
Sous l’égouttement des feuilles, dans la neige épaisse,
Sous les gouttes d’eau tombant du bord des toits, vite, vite !