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fou ou une folle, un démon (esprits violens, mânes irrités, etc.). Une sixième classe, ne figurant au programme qu’en des occasions particulièrement solennelles, est celle des « souhaits heureux » (shùgen-nô), citée ci-dessus, et qui est spécialement dédiée à la célébration et à la louange d’un grand personnage, notamment de l’Empereur.

Entre les différens Nô se placent, au cours de la représentation, des intermèdes comiques (kyôgen), dont le but est de détendre l’esprit du spectateur et de le laisser reprendre haleine. Les kyôgen, très courts, sans prétention et d’une gaieté facile, sont joués par des acteurs spéciaux, sans masques et sans intervention de l’orchestre ni du chœur.


III

Parmi les cinq cents ne qui se sont conservés et les cent vingt-cinq que les diverses écoles exécutent encore aujourd’hui, M. Noël Péri en a choisi et traduit cinq, un de chacune des cinq classes ou catégories ci-dessus décrites. Il nous offre ainsi, dans la série de ces cinq pièces, le type et le modèle d’une de ces journées de Nô qui commencent à sept heures du matin pour se prolonger jusqu’à trois heures de l’après-midi, ou à quatre heures du soir pour s’achever vers minuit.

Nous voici dans la salle annexe du temple de Koudan où j’avais l’habitude de me rendre. L’auditoire est assis sur les nattes de riz, dans les petites loges ou « boxes » où peuvent tenir six à huit personnes. Sur la scène de bois où il n’y a d’autre décor que le pin vert ornant la paroi du fond, les quatre instrumentistes sont installés. Les huit choristes viennent d’entrer par la petite porte basse où est peint un bouquet de bambous. Les premiers sons de l’orchestre se font entendre. Le « waki » (deutéragoniste) et deux « waki-tsure » (compagnons ou doublures) font leur entrée en costume de pèlerins et tenant l’éventail à la main. La première pièce qui s’ouvre ainsi appartient à la série des divinités ou choses divines (kami-nô). C’est le Nô d’Oimatsu, c’est-à-dire du Vieux-Pin vénéré comme arbre sacré dans l’enceinte du temple d’Anraku, à Dazaifu, province de Chikuzen, dans l’ile méridionale de Kyûshù. Le Vieux-Pin et le temple même d’Anraku sont dédiés à la mémoire du grand lettré et homme d’Etat, Sugawara no