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recommencent à faire parler d’eux. Les équipages des cuirassés République, Gangoutt et du croiseur Diane ont voté une résolution réclamant le transfert de Nicolas II à Cronstadt, pour y être mis sous la garde de « troupes véritablement révolutionnaires » jusqu’à sa mise en jugement.

« C’est la troisième fois, dit le Gangoutt, que nous affirmons notre volonté et cette mise en demeure n’est pas une plaisanterie. Ceci est notre dernier avis ; après, nous emploierons la force ! »

Quand et comment cela finira-t-il ?


BEAUCOUP DE FOLIES, UN GRAIN DE SAGESSE

La cérémonie à laquelle les ouvriers de Pétrograd se sont livrés à Cronstadt ne semble pas avoir lénifié leur humeur tapageuse. Une grande agitation règne autour des usines sur la question des salaires et des heures de travail. A Gostiny-Dvor, les commis de magasins font grève. Les employés des tramways exigent, après la journée de huit heures, celle de six ! Là ne se bornent pas leurs prétentions. Ils déclarent que les tramways et tout le matériel leur appartiennent et ne veulent plus reconnaître l’autorité des directeurs et des ingénieurs. Ils se sont emparés de plusieurs de ces derniers, leur ont goudronné le visage, les ont enfermés dans des sacs après les avoir ficelés, puis ils les ont exposés dehors en cet état sur des petites charrettes à bras où ils resteront jusqu’à ce que quelque passant apitoyé vienne les mettre en liberté. Cet acte d’humiliante vengeance, indigne d’un peuple civilisé, s’appelle « la mise en brouette » et a déjà été pratiqué en Russie lors de la révolution de 1903.

Au milieu de ces excès, la Révolution tourne à la mascarade et les amis de la Russie s’en affligent. L’Emprunt de la Liberté ne donnant que de maigres résultats, on a imaginé de faire autour une sorte de réclame carnavalesque. Toute la journée, un char rempli d’hommes et de femmes en costumes de boyards, accompagnés de musiciens, a circulé dans les rues de la ville. Une troïka des écuries impériales, montée par un matelot portant un énorme drapeau de Saint-André, appelait aussi le public à la souscription.

Les manifestations se succèdent, ininterrompues : voici