Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/719

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mission officielle ou officieuse, ni jusqu’à quel point les déclarations qu’ils devaient y porter étaient autorisées, avaient été concertées, eussent été ratifiées. Mais le fait est que c’est au retour de Stockholm que Scheidemann a fait connaître qu’il ne serait possible de parler de paix, là-bas, entre socialistes, que si l’on s’était mis d’accord pour ne parler que d’une paix sans annexions ni contributions, selon la formule du Soviet, et que d’ailleurs la conversation serait rendue beaucoup plus facile par une réforme, dans le sens libéral, des institutions allemandes. L’enseigne n’était pas engageante ; si l’on voulait attirer le client, il fallait la repeindre et blanchir la façade de la maison. Telle était la lumière que rapportaient du Nord les socialistes éblouis. Peu à peu, et de proche en proche, elle se répandait d’abord sur ce qu’on appelle, d’un terme un peu vague, les partis de gauche, et qui correspondrait chez nous aux radicaux-socialistes et anciens radicaux. Puis il y eut plus fort : le rayon toucha le Centre, et, dans le Centre, baigna, inonda le visage satisfait de M. Mathias Erzberger.

Le Centre est un parti catholique, mais n’est pas spécifiquement un parti conservateur ; il a une tendance socialiste ou socialisante par laquelle s’établit le contact entre sa fraction la moins timide et le socialisme orthodoxe. De cette fraction la moins timorée, M. Erzberger est le plus hardi représentant. Jeune encore, il est venu au Centre, après avoir traversé vite d’autres milieux, avec toutes les certitudes d’un primaire et toutes les audaces d’un aventurier. C’est un homme que la vie ne semblait pas devoir gâter, qui l’a forcée, et qui veut la vivre large et pleine, et qui veut du tapage autour de ses jouissances. C’est un ambitieux, non du genre tenace, mais du genre pressé, marqué par sa passion comme par ses besoins pour les besognes que ne font pas la politique en habit noir et la diplomatie en habit doré ; c’est un vibrion qui, depuis le commencement de la guerre, tourbillonne. Depuis trois ans, on n’a pas pu le voir sans qu’il arrivât de quelque part. Il arrivait de Rome, où il était allé en février 1895 doubler le baron de Stockhammer, première doublure du prince de Bülow, et le prince lui-même avait été plus ou moins heureux de sa présence, ne sachant trop si on le lui avait dépêché pour l’assister ou pour le surveiller, et si le chancelier, en lui donnant un auxiliaire de cette qualité, ne songeait pas, autant qu’à aider son ambassadeur, à « handicaper, » en lui, un rival. Ensuite, M. Erzberger arrivait de Suisse, de Lucerne ou de Lugano, et l’on disait, et il disait que ce que le socialisme international n’avait