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vivre ou revivre des nationalités, on tue la nation. « Une et indivisible, » dit la Révolution française.

Tout à fait à l’extrémité du front occidental, à l’endroit justement où il vient s’appuyer à la mer du Nord, au point terminus, il y eut, le 10 juillet, une alerte. Ce ne fut qu’une alerte ; ce n’a pas été « la bataille des Dunes. » Par l’étroite bande de sable qui forme comme une chaussée et pour ainsi dire comme un isthme, entre la mer et l’étrange lacis de canaux, l’inextricable filet d’eau, la lagune flamande, l’Allemagne ne pouvait guère s’ouvrir le chemin de Dunkerque. Elle le savait déjà, le sait mieux encore à présent, et ne l’a probablement pas voulu. L’attaque qu’elle a prononcée là, si ce n’était un simple sondage, était comme une parade préventive, une sorte d’offensive défensive ; elle a attaqué pour rompre les préparatifs d’attaque. On avait beaucoup parlé, les dernières semaines, peut- être trop, en tout cas trop tôt et trop haut, d’un grand dessein du commandement anglais. L’état-major ennemi n’avait pas été le dernier à en recueillir les bruits. D’où le coup de main sur Nieuport. Mais le coup a été tout de suite arrêté et la main tout de suite immobilisée. Les Allemands ont atteint la rive droite de l’Yser, ils ne l’ont pas dépassée ; si, par hasard, il leur prend la fantaisie de se mirer dans son flot trouble, ils n’y verront sans doute que de tristes figures qu’assombrit un cruel souvenir, et que n’éclaire plus aucune illusion.

De même pour la partie du front tenue par l’armée française. Le Kronprinz impérial, ou son précepteur Hindenburg, ou le conseiller du magister, Ludendorff, qui pourrait bien être l’Esprit de cette trinité, ont multiplié les assauts, de trois côtés simultanément : à notre gauche, au-dessus de l’Aisne, sur le Chemin des Dames, entre Froidmont et le Panthéon, entre Cerny-en-Laonnois et Ailles, entre la ferme Heurtebise et Craonne ; à notre centre, dans le massif de Moronvilliers, sur le Mont-Haut et le Téton ; à notre droite, sous "Verdun, sur les deux rives de la Meuse, à la cote 304, entre le bois d’Avocourt et le Mort-Homme, au bord de la route d’Esnes à Malancourt, comme à Bezonvaux. Ou ces assauts, pour acharnés et répétés qu’ils aient été, n’ont rien donné à l’ennemi, ou ce qu’ils ont donné lui a été aussitôt repris. Celui du plateau de Californie, magnifiquement soutenu par nos troupes, tourne pour le kronprinz au plus sanglant échec. Mais, sous réserve des chances à courir, cette combativité, cette « agressivité » allemande, est avant tout de la défensive préalable. L’état-major allemand nous tâte, moins pour savoir ce