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diplomatique, des documens d’un nouveau genre : bombes du plus récent modèle, à éclatemens gradués, engins de meurtre et d’incendie à terme, à soixante-douze heures, à vingt et un jours, briquettes explosibles imitant à s’y méprendre l’inoffensif charbon de soute. En conséquence, le ministre impérial à Christiania, M. Michaélis, a été prié de demander ses passeports. Mais la légation n’a point chômé, et la Chancellerie a proposé à l’agrément du gouvernement norvégien qui ? le fameux amiral von Hintze, que précède un renom sinistre. L’Allemagne, dit-on selon la formule, a proposé. Mais la Norvège ne disposait pas. Le diable a, chez elle, remplacé l’ermite.

Pourtant, la cote de l’Empire que nous donnions l’autre quinzaine, ne remonte point. Les neutres, même tout petits auprès d’elle, qui veulent être libres, sont libres. La Suisse n’a pas craint de le lui faire voir, dans la suite et la conclusion de l’affaire Hoffmann Grimm. C’est un Suisse romand, un Genevois, dont la correction est irréprochable, mais dont les sympathies ne se sont jamais déguisées, le propre président de cette Croix-Rouge à qui nos blessés et nos prisonniers doivent tant, M. Gustave Ador, qui a été choisi comme chef du département politique, autrement dit comme ministre fédéral des Affaires étrangères. Il n’est, devant un brutal, que de se tenir droit. Tendre le cou, c’est appeler les coups.

L’Allemagne les assène en aveugle, mais son bras se lasse et son poing s’écorche, bien que ce soit encore ce qui lui reste de plus solide. Surtout, ses illusions s’envolent, à mesure que se multiplient ses déceptions. Elle a, l’un sur l’autre, encaissé l’échec de sa manœuvre de Stockholm, l’insuccès de ses tentatives sur l’Aisne et contre Verdun, l’avance de l’armée anglaise, la reprise de l’activité militaire des Russes et l’arrivée du secours américain, que ses sous-marins, même en essaim, n’ont pas pu empêcher ; bientôt elle va se trouver face à face avec lui, et, drapeau déployé, il lui fera voir ses quarante-huit étoiles. Dans leurs confidences au Reichstag, M. Zimmermann, M. Helfferich, M. von Rœdern, l’amiral von Capelle, vice-dieu de la torpille, et le ministre de la Guerre, sous leurs assurances de commande, ne se sont pas du tout montrés lyriques. Ils ont évidemment le caquet rabattu. Et, par compensation, le ton des parlementaires qui réclament des réformes et des foules qui réclament du pain ne cesse de monter. N’en attendons à bref délai ni la révolution ni même l’émeute ; n’en disons pas plus qu’il n’y en a ; mais il y en a assez ; et au trouble allemand s’ajoute le trouble austro-hongrois, qui peut aller beaucoup plus vite.