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Alliés. Il y aura du moins à « causer. » Observons avec attention Rome, Athènes, l’Épire, les Douze-Iles et l’Asie-Mineure.

La situation demeure incertaine en Espagne. Sans la pousser au noir, et sans dire que le germe éclora, il n’y a pas de doute qu’en tout pays il serait mauvais que se formassent dans l’armée des Comités de défense d’officiers et de sous-officiers, mais que c’est particulièrement mauvais en un pays où, pendant trois quarts de siècle, se sont succédé des pronunciamientos de généraux et de sergens. C’est un sol à tremblemens de terre, c’est un milieu où les maladies politiques prennent subitement des allures et exercent des ravages d’épidémie. L’agitation des partis, des groupes, des groupemens est extrême, et d’autant plus redoutable qu’elle se développe çà et là, à Barcelone, par exemple, dans le cadre de la région-. Elle a causé assez d’inquiétude pour que M. Dato se croie obligé de suspendre les garanties constitutionnelles. Une censure impitoyable surveille les journaux avec une rigueur telle que l’un des plus modérés, l’lmparcial, imprime en gros caractères la liste des sujets qu’il est défendu d’aborder, et qui sont : la question militaire, les mouvemens des troupes, les comités de défense, les manifestes et proclamations de sociétés, les, meetings et les grèves, le mouvement des navires de guerre, les torpillages de navires nationaux ou étrangers dans les eaux juridictionnelles, les exportations ; enfin, sont prohibés tous commentaires sur la guerre.

L’énumération est instructive : c’est le tableau en raccourci des embarras nationaux et internationaux de l’Espagne. Et ils n’y figurent pas encore tous. Tandis que le parti libéral officiel, qu’on pourrait appeler la gauche dynastique, l’ancien parti de M. Sagasta, celui qui, à la mort du roi Don Alphonse XII. rendit possible ou plus facile la transmission du trône à son futur héritier mâle, est en pleine crise, et que les épigones, le comte de Romanonès et M. Garcia Prieto, se querellent pour la jefatura, les gauches plus avancées, les gauches radicales, réformistes et républicaines, lancent un manifeste lourd de sous-entendus. On voit renaître des mœurs politiques déplorables qu’on croyait mortes, et que Canovas avait mis tant de soin à détruire, entre autres, le retraimiento, la retraite hors l’État, la bouderie hostile, cette plaie des démocraties latines depuis que le peuple de Rome s’était retiré sur le Mont-Aventin. Un détail marque la gravité de tels incidens, qu’un rien précipiterait, répétons-le, en véritables événemens : le Roi a désiré avoir un entretien, sous couleur de le consulter sur les réformes sociales, avec le vieux républicain que fut