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il parla. Il parla à Palerme, dans une réunion solennelle, au lendemain du jour où, dans le naufrage d’un grand navire torpillé, des femmes et des enfans avaient péri ; et le vent de la mer, qui avait apporté les cris des victimes, remporta ses cris de colère et de vengeance, haussés au ton des voix siciliennes. On ne vit plus alors quelle différence il pouvait y avoir entre M. Orlando et son président du Conseil : avec des accens plus tragiques, et peut-être une autre pensée, il exprimait les mêmes sentimens que M. Salandra.

C’est une aventure du même genre qui de nouveau vient de lui arriver. Menacé comme ministre de l’Intérieur à cause de son manque d’énergie, il a dû se redresser, et, pour ne pas se plier, il s’est roidi. Mais on n’a entendu de son discours que les applaudissemens qui l’ont salué. En revanche, M. Sonnino, qui a été plus acclamé encore, s’est montré tel qu’il est et qu’on le connaissait. On devine, par le langage qu’il avait tenu quelques jours auparavant en séance publique, et par une allusion de M. Barzilaï dans les explications de vote, ce qu’il a pu dire ou répéter en Comité secret. Il a oublié sa personne « pour n’avoir que la vision de l’intérêt de la nation. » Il a affirmé que l’Italie voit et veut, dans cette guerre, « la continuation de la guerre de Mazzini et de Garibaldi, pour la libération de la terre de Battisti et de Sauro, pour la maîtrise de l’Adriatique. » C’est la guerre « pour une paix durable, fondée sur la sûreté des frontières nationales, comme condition indispensable d’une indépendance effective. Unité et indépendance de notre race (della nostra gente), selon la libre volonté populaire, voilà notre programme national, comme ce le fut en 1859 et en 1866 ; dans le dessein que l’Italie puisse représenter sûrement et d’une manière permanente en Europe un élément de paix et de civilisation. »

Langage sec et net d’un homme d’État à l’œil et à l’esprit clairs, qui hait les « vagues idéologies » et qui ne croit pas qu’il ait ni à s’expliquer longuement, ni à s’excuser. En résumé, M. Sonnino n’a pas plus consenti à réviser ses « buts de guerre » que M. Boselli n’a eu l’idée de changer le commandement. Une grosse majorité, 361 députés contre 63, les a suivis et soutenus. C’est maintenant le tour du Sénat, puisque, en Italie comme chez nous, les comités secrets alternent entre les deux Chambres. Le ministère, récemment modifié, et d’où s’est retiré en dernier lieu l’amiral Triangi, ministre de la Marine, n’est pas encore, bien que certain d’être dans le courant des aspirations nationales, complètement sorti de ses difficultés.

Celles de la Grèce étaient incomparablement plus grandes ; elle