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le jeu de navettes, où se plaît Hindenburg, est devenu ou va devenir plus difficile. Malgré ce déploiement colossal, le Kronprinz impérial n’a pas pu réussir à prendre la revanche de ses déconvenues. Ni en Champagne où il se venge bassement par le lent assassinat de Reims, ni à Verdun où il s’entête à vouloir enlever la cote 304 et le Mort-Homme, les sacrifices qu’il consent, comme s’ils ne lui coûtaient point, ne lui ont procuré le moindre avantage. N’eussions-nous fait rien de plus, — mais nous avons fait plus, et notre gain ne se borne pas à n’avoir pas perdu, — nous contenons les trois quarts de l’armée allemande, nous tenons contre les trois quarts de la puissance allemande. De Belfort à Dunkerque, notre ligne n’a bougé que pour se porter en avant ; tâtée partout, nulle part elle n’a été percée ; partout secouée, elle n’a fléchi nulle part.

Cependant la Chambre des députés s’est enfermée pour discuter en Comité secret sur la façon dont furent, au mois d’avril et au mois de mai. conduites les opérations, et sur plusieurs questions accessoires. Il est, à ce propos, permis d’émettre l’opinion, et nous ne nous en sommes pas fait faute, qu’il ne faudrait pas abuser de la procédure, nécessairement exceptionnelle dans le régime parlementaire, du Comité secret qui a ou peut avoir de sérieux défauts, dont le pire serait qu’il est secret, si ce n’était qu’il ne l’est jamais hermétiquement. En d’autres termes, un de ses vices, qui se double du vice contraire, est qu’au dedans, il autorise à tout dire, et qu’au dehors, il invite à tout supposer. Bien des secrets qui se confient là à des centaines d’oreilles sont, heureusement, de pauvres secrets : mais la foule, qui ne le sait pas, ou qui n’en attrape que des bribes, souvent déformées, les grossit, et se repaît, s’afflige ou s’irrite de ce qu’on lui cache.

On a, tous ces jours-ci (le texte des demandes d’interpellation en témoigne), beaucoup parlé de « contrôle » et de « sanctions. » Contrôle de qui, sur quoi, et quel contrôle ? Quelles sanctions, pourquoi, et contre qui ? On dirait qu’il est des esprits chagrins et, à leur manière, agressifs, qui se font, pour leur plaisir, les inquisiteurs de la République. C’est assurément un adage contresigné par d’excellens auteurs que a les accusations sont nécessaires dans les républiques, » mais il ne faut pousser rien à l’excès. Et c’est d’ailleurs, aussi, une maxime dûment établie que les peuples forts, avant le combat, « donnaient à leurs généraux les commissions libres, » en style moderne, ne les emprisonnaient pas, ne les emmaillotaient pas dans un contrôle tatillon, ne les frappaient pas comme d’une espèce de suspicion