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Pétrograd, mais le Congrès de tous les Conseils de tous les délégués ouvriers et soldats de toutes les Russies, qui, d’une voix quasi unanime, font entendre l’appel ou le rappel aux armes.

Nous ne nous vanterons pas de l’avoir bien prévu, mais c’est une des solutions qui nous avaient paru possibles, et c’est la meilleure. Elle est due sans doute avant tout, à la sagesse, heureusement alliée au courage, du ministre de la Guerre Kerensky, à l’esprit énergique et fertile en initiatives du généralissime Broussiloff, et, pour une part aussi, car il faut être juste, aux adjurations de M. Albert Thomas, de M. Henderson, de M. Vandervelde, de M. Elihu Root ; par là-dessous, à un mouvement national profond qui a rejeté avec horreur loin de la trahison, aussitôt qu’il l’a aperçue, ce peuple loyal et impulsif, tout frais, tout près encore de la nature, qui se meut précipitamment d’une seule masse, comme une force naturelle, et dont la diplomatie allemande a eu le tort d’ignorer la psychologie autant que celle de plusieurs autres : Slavus saltans. Mais il convient d’en faire également honneur à la fermeté que s’est enfin décidé à montrer le Gouvernement provisoire, en refusant de dissoudre la Douma sur la sommation des extrémistes, et en découvrant du même coup leur folie, leur faiblesse, ou du moins la limite de leur puissance, beaucoup plus courte en réalité que leur tapage ne le faisait croire, et la liaison, consciente ou inconsciente, de leur action avec l’intrigue germanique. La révolution parait, à l’intérieur et à l’extérieur, sortir de l’anarchie et s’orienter vers une organisation ; la victoire de Broussiloff est le premier bienfait du Gouvernement, qui en sera récompensé, s’il y prend une conscience plus claire de lui-même. Le nuage asphyxiant se dissipe, le ciel s’éclaircit dans le Nord. Et tout cela, ce miracle, s’est accompli, sans que nos socialistes, dont le voyage en Russie n’aura pas été inutile, aient eu besoin de se rendre à Stockholm ; cela les dispense d’y aller. A moins d’être ingrats ou aveugles, ils ne remercieront jamais trop les bons Français, grâce à qui leur aura été épargné un faux pas, où pouvait trébucher leur patriotisme.

Voilà donc le front oriental réveillé. Sur le front occidental, l’armée anglaise continue, ainsi que ses bulletins le disent volontiers, à faire « d’excellent travail. » Les vues qu’elle s’est données, au prix de sanglans combats, du haut de la crête de Vimy, elle ne les a pas acquises, on le pense bien, par dilettantisme, pour voir se lever et se coucher le soleil sur la plaine. Village par village, faubourg par faubourg, cité par cité, elle enserre et investit Lens, décrivant autour de