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Si l’on rapproche le texte de cette proclamation du texte de la communication adressée par M. Zaïmis à M. Jonnart, on ne saurait manquer d’être frappé de certaines coïncidences, où s’est peut-être exercée la subtilité des Grecs habiles à user de toutes les finesses de l’esprit et à manier toutes les ressources de la langue. Que dit M. Zaïmis, ou même qu’écrit-il ? Que la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont « réclamé l’abdication du roi Constantin et la désignation de son successeur, » d’une part ; et, d’autre part, que « le Roi, soucieux comme toujours du seul intérêt de la Grèce, a décidé de quitter le pays avec le prince royal et désigne pour son successeur le prince Alexandre. » Il n’est question d’abdication que dans la demande, et dans la réponse il n’est question que de départ ; en cours de route, Constantin, par une habitude invétérée, s’est laissé prendre une interview : il n’a parlé que d’,« éloignement. » — Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage ! — Il y a bien, dans la réponse même, la désignation du successeur, mais relisons les articles 45, 46, 52 de la Constitution, et prenons garde que ce ne soit là encore, artificieusement ménagée, une source de chicanes.

Peu importe, au surplus. Il faut le dire tout net. Nous sommes allés en Grèce, non par des scrupules juridiques, mais par des nécessités politiques. Nous y sommes allés parce que la situation qui nous y était faite n’était digne ni de la France, ni de l’Angleterre, ni de la Russie ; « parce que nous ne pouvions pas oublier que, le 1er décembre dernier, nos marins y avaient été traîtreusement mis à mort ; » et parce qu’enfin, tant que le gouvernement royal faisait de ce pays une base allemande, notre armée d’Orient, prise à revers, était paralysée. Si c’est changé, si le départ de Constantin suffit, si nous sommes débarrassés de ses Streit, de ses Dousmanis et de ses Metaxas, si les deux Grèces ennemies, la Grèce de Salonique et la Grèce d’Athènes, peuvent se réunir, sous Alexandre, avec M. Venizelos, en une Grèce qui nous soit sûre, c’est bien, quoique nous ayons beaucoup tardé. Nous n’aurons pour elle que de l’indulgence, et nous lui en avons déjà donné un gage en levant le blocus. Mais, dans la douceur, de la fermeté. Inutile d’exhiber, comme l’Empereur furieux, un « poing de fer, » pourvu que nous ne lâchions plus la main. La seconde épitre d’Alexandre est déjà plus raisonnable.

Au lendemain de son succès du Carso, et à la veille de l’entrée des troupes franco-anglaises en Thessalie, l’itahe a proclamé, par l’intermédiaire du général commandant son corps expéditionnaire, l’unité et l’indépendance de l’Albanie « sous sa protection, » sotto la pro-