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pour la protection des faibles, la libération des opprimés, la punition des coupables, a peu à peu vaincu les préjugés qu’à tort ou à raison ils avaient longtemps nourris contre d’autres. Ils veulent d’une égale résolution relever la France de son sacrifice et, non pas se relever d’une faute qu’ils n’ont point commise, mais proprement s’élever eux-mêmes par le sacrifice. Quelque injuste que soit le reproche d’avoir, au début, profité de la calamité universelle, ils savent qu’on le leur adresse de certain côté, et ils savent de quel côté ; comme il leur serait insupportable de jouer le rôle ingrat du « nouveau riche » dans la « société des nations » qu’ils rêvent d’organiser, ils brûlent de verser leur sang pour laver leur or, et de verser aussi leur or purifié pour ajouter à la vertu de leur sang, de se dévouer, de souffrir, de mourir pour prouver qu’ils connaissent les plus hautes valeurs de la vie ; et ils se jettent dans la bataille des principes avec l’emportement de leur ardeur aux affaires : ils sont idéalistes en réalistes à qui l’expérience a appris qu’en rien il ne faut rien faire à demi.

« Jusqu’au dernier sou ! jusqu’au dernier homme ! jusqu’au dernier battement de cœur ! » a déclaré à M. Viviani le gouverneur d’un des États, élu par des centaines de milliers de citoyens. M. Wilson l’a publiquement et magistralement expliqué en deux occasions récentes, dans la communication qu’il a fait remettre au gouvernement provisoire de Russie, puis dans son discours du Flag Day. En même temps, il a fait entendre à la jeune démocratie russe, à peine sortie des limbes où sont les âmes d’enfant, on ne veut pas dire la leçon, mais la voix d’une démocratie plus virile ou plus mûre. Le discours pour le Jour du Drapeau n’est que la répétition, la transposition à l’usage du peuple américain de la lettre au gouvernement russe. Il n’en est pas, de M. Wilson ou de tout autre homme d’État, qui soit plus positif, plus ferme et plus plein, moins encombré de circonlocutions, plus dégagé d’obscurités. C’est le langage solide, illuminé, définitif d’un historien. C’est un mémoire et un jugement. M. Woodrow Wilson y expose au peuple des États-Unis, pour qui l’Europe est très loin et les affaires européennes sont très petites, les origines de la guerre. Il lui enseigne des choses familières pour nous et précises jusqu’à la douleur, mais qui ne touchaient pas le citoyen américain, perdu dans les villes populeuses ou isolé dans les immenses plaines de l’Ouest : le long martyre de l’Alsace-Lorraine, la mutilation de la Pologne, l’assassinat de la Belgique, de la Serbie, de la Roumanie. Il lui découvre l’Empire allemand, ses hommes, ses desseins, ses méthodes, ses pompes et ses œuvres. Il extrait des faits