Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prérogatives parlementaires, l’introduction dans le royaume de Prusse d’une dose de démocratie qui le transformerait en monarchie constitutionnelle, dans laquelle les pouvoirs s’équilibreraient, et dont le suprême « Seigneur de guerre » ne serait plus que le premier magistrat. Déjà le Reichstag impérial, selon son président, M. Kaempf, qui l’a fait sonner très haut dans sa harangue de rentrée, « est élu par le suffrage le plus libéral du monde ; » et voilà bien la manie allemande de toujours estimer ce qui est allemand au-dessus de tout, le Reichstag étant élu au suffrage universel pur et simple, ni plus ni moins que beaucoup d’autres assemblées dans le monde, dont on ne peut pas dire pour cela qu’elles en soient les plus libérales. Donner au Landtag prussien ce même suffrage universel, direct, égal, secret (et non « public, » ainsi qu’il nous est échappé de l’écrire, par un lapsus que le lecteur aura de lui-même corrigé), mettre la Prusse au pas de l’Allemagne, et promettre de mettre l’Allemagne au pas des démocraties représentatives, telle est la partie qu’exécutent, à l’intérieur, les diverses fractions bourgeoises de ce qui, chez nous, se qualifierait « la gauche ; » nationaux-libéraux et progressistes, qui sont les radicaux de là-bas, tandis qu’à l’extérieur les socialistes exécutent des morceaux plus colorés d’une musique plus retentissante. Les dissonances ne manquent pas : le comte Reventlow, le comte Westarp, les pangermanistes, les agrariens, et les admirateurs de Tirpitz, et les adorateurs de Hindenburg, s’en chargent ; mais tout est dans la partition, jusqu’au silence de M. de Bethmann-Hollweg, qui ne cache peut-être pas uniquement son embarras. Ce silence du Chancelier a, du reste, pour correctif l’éloquence ou la loquacité du vice-chancelier, M. Helfferich. « Des réformes, » disent ceux-ci ; « la paix, » disent ceux-là ; et lui, il continue de dire ; « Dieu punisse l’Angleterre ! » Il fait plus, et se pique de montrer que Dieu la punit, par le moyen des sous-marins allemands. Il dresse, avec une férocité froide de statisticien et de financier, le bilan de leurs sinistres exploits. Mais ce bilan, comme il arrive, est « arrangé, » et il fallait s’en méfier : M. Helfferich l’a présenté juste au moment où allait se clore le sixième emprunt de guerre allemand. Le gérant grossit les dividendes, pour engager les actionnaires à un nouvel apport de fonds.

Nous sommes ici dans une matière délicate où il importe de se garder autant de la béatitude, ou de la passivité, que du pessimisme et du découragement. M. Lloyd George, droit et robuste, ne s’abandonne à aucune de ces inclinations. Vers le même temps où M. Helfferich faisait à ses auditeurs de Berlin un exposé, monté de ton, des