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à Sélency, qui ne sont qu’à « quelques centaines de mètres » de l’ancien chef-lieu du Vermandois. Ce n’est pas tout. L’armée britannique a une troisième et une quatrième pointes dirigées vers Douai et Cambrai. Quand on regarde une carte à petite échelle, on voit que son offensive rayonne d’Arras au Nord, vers Lens ; au Nord-Est, vers Douai ; au Sud-Est, vers Cambrai ; au Sud ou au Sud-Est toujours, mais plus bas, vers Saint-Quentin ; et elle y tend, par surcroît, du Nord-Ouest ou de l’Ouest, de Bapaume ou de Péronne. Et il est clair qu’entre ces quatre directions, l’espace ne demeure pas vide. Une formidable infanterie, une artillerie plus formidable encore, l’emplit de mouvement, de bruit et d’action. A l’Est d’Arras, des deux côtés de la Scarpe, la marche en avant a recommencé.

A cette brillante offensive des Anglais, notre offensive, à nous, ne pouvait manquer de donner la réplique. Elle s’est, en effet, déclenchée le lundi 16 avriI, de grand matin, « sur une étendue de quarante kilomètres, » et elle a, de prime assaut, réduit en notre pouvoir, dans le secteur le plus occidental, entre Soissons et Craonne, toute la première position allemande. Dans le second secteur, à l’Est de Craonne, nos troupes ont enlevé la deuxième position ennemie. Le mardi 17, nous avons élargi notre action à l’Est de Reims et, sur un nouveau front de quinze kilomètres, également « enlevé toute la première position allemande. » En même temps, nous conquérions, au Sud de Moronvilliers, et sur une distance de onze kilomètres, « une ligne de hauteurs solidement organisées, depuis le Mont-Cornillet jusqu’à l’Est de Vaudesincourt. » Puis, sur trois autres kilomètres, autour du village d’Aubérive, nous brisions le saillant puissamment fortifie que formaient les lignes ennemies. Ces résultats, qui n’étaient que de premiers résultats, étaient fort beaux ; mais il sera sans doute permis d’avouer, maintenant qu’ils ont été consolidés et agrandis, qu’ils parurent d’abord médiocres, au gré de notre impatience. Au gré aussi de notre ignorance, qui ne tenait nul compte des difficultés que la nature et l’art infernal des Allemands avaient comme à l’envi entassées dans ce coin. Un simple coup d’œil jeté, si l’on pouvait le faire, sur le « plan directeur » aurait vite fait de renverser cette impression non moins fausse qu’injuste. Loin de nous étonner que nos soldats n’aient pas, principalement à notre gauche, tout emporté du premier coup, il faut nous émerveiller qu’ils en soient venus à bout du second. Il faut les admirer, les féliciter et les remercier. Ce serait un énorme travail de débrouiller, sur le papier seulement, et de rompre, rien que par l’esprit, toutes ces mailles d’un filet diabolique