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Quand un homme meurt, il est de même enterré conformément à sa croyance. Il a beau n’avoir été qu’un palefrenier ou un balayeur, il est enterré comme un grand propriétaire. Ne te mets point en peine désormais de ces affaires-là. Dans la vie ou dans la mort, tout est fait conformément aux ordonnances de notre foi. Des hommes de caste inférieure, des balayeurs par exemple, comptant sur l’ignorance des médecins, prétendent être d’une caste honorable, afin de s’assurer de la considération. Si un balayeur dans cet hôpital dit que sa caste lui défend certaines choses, on le croit : il n’est pas battu. Les Anglais ne méprisent aucune sorte de travail : il y a beaucoup de castes parmi eux, mais ils sont tous d’une seule espèce en ceci.

Par suite de mes blessures, je ne suis pas allé voir les champs anglais ni les villes. Les Français à Franceville travaillent continuellement sans repos. Les Français et les Phlahamahnds [1], qui sont une caste de Français, sont les rois de la culture. Pour ce qui est de celle-ci, ils ont des champs plus grands que les nôtres, sans aucune division, et n’en laissent rien perdre que la largeur du sentier qui les sépare. La terre à Franceville se transmet en toute sécurité de père en fils, moyennant le paiement d’une taxe au gouvernement, tout comme dans les pays civilisés. J’ai observé qu’ils ont toujours leur terre au cœur et à la bouche, tout comme dans les pays civilisés. Ils font rarement pousser plus d’une récolte par an, mais elle suffit à les récompenser parce que leurs champs n’ont pas besoin d’irrigation. La pluie à Franceville est toujours sûre et abondante et même excessive. Ils cultivent tout ce que nous cultivons, les pois, les oignons, l’ail, les épinards, les haricots, les choux et le blé. Ils ne cultivent pas les petits grains ni le millet, et leur seule épice est la moutarde. Leur boisson n’est pas l’eau, mais le jus des pommes, qu’ils pressent dans des barils à cet usage. On le vend deux pice la bouteille. ils ne boivent pas le lait, quoiqu’il y en ait en abondance : c’est tout du lait de vache, dont ils font du beurre dans une baratte que fait tourner un chien. A Franceville, les chiens sont à la fois affables et actifs. Ils jouent avec le chat, ils gardent les moutons, ils barattent le beurre, ils traînent un chariot et le gardent aussi. Quand un régiment rencontre un troupeau, les chiens, dans leur sagesse, ordonnent d’eux-mêmes aux moutons

  1. Flamands.